Debout-payé – GAUZ– Le Nouvel Attila –2014

Meilleur roman français de l’année 2014 au palmarès LIRE

« Debout-payé : désigne l’ensemble des métiers où il faut rester debout pour gagner sa pitance. » Par exemple : vigile dans un magasin.

C’est avec « Debout-payé » que Gauz a surgit en 2014 sur la scène littéraire française en bousculant le monde des critiques professionnels et amateurs de la littérature française contemporaine. Il a connu un grand succès et a été élu Meilleur premier roman français de l’année 2014 par le magazine Lire. Depuis, Gauz a écrit Camarade Papa (2018) et Black Manoo (2021), chroniqué récemment dans ce blog.

Debout-payé explore deux endroits, un magasin de fringues de la chaîne Camaïeu dans le quartier de la Bastille devenu l’un des centres de la consommation vorace de vêtements et autres articles de mode ; et la parfumerie Sephora située sur les Champs Elysées qui attirent les touristes du monde entier pensant y trouver les preuves de l’élégance à la française. Mais le double miroir est ailleurs : Gauz raconte la vie de ces femmes et de ces hommes qui travaillent dans ces boutiques, venant d’Afrique dans leur grande majorité, issu(e)s de cette migration devenue l’un des avatars de l’histoire coloniale française.

La vitalité, l’humour et la colère parcourent ce livre avec des mots et des expressions qui jettent de puissants coups de projecteur pour dévoiler les multiples profils de cette immigration, le plus souvent mal décrite, sous le coup d’une menace lancinante, la reconduite éventuelle à la frontière. « Bannir un homme, l’éloigner de force de l’endroit où il vit et travaille, juste parce qu’un préfet ne lui a pas signé un banal papier est une idée effrayante. » Cette remarque est toujours d’une brûlante actualité en ce mois de mars 2021.

En semant tout au long de son livre des observations et remarques teintées d’humour, Gauz envoie des messages très critiques sur la situation actuelle des migrants et aussi des observations ravageuses sur le racisme social : « ce sont des techniciens de surface « tous noirs » qui sont les magasins après leur fermeture nocturne. Et même après cette fermeture, il vaut mieux, pour les « noirs », rester debout, pour s’enfuir quand la police arrive pour vérifier les papiers, dont le soupçon de non-validité conduit rapidement à la reconduite aux frontières, le plus souvent celles de l’aéroport de Roissy« .

La sarcastique syntaxe de Gauz dévoile la lutte permanente pour rester debout, seule façon de se sauver, y compris pour dormir. C’est à la MECI, la Maison des Etudiants de Côte d’Ivoire à Paris, que se retrouvent, pour se loger et se rassembler, Ies Ivoriens comme Ossiri et Kassoum et d’autres immigrés, comme cet étudiant réunionnais en philosophie.

Entre l’évocation des tours de New York qui s’effondrent devant le monde entier, le rappel des sans-papiers regroupés dans l’église Saint-Bernard prise d’assaut par la police du Ministre de l’Intérieur d’alors, Jean-Louis Debré, la description armée de colère du déroulement de la procédure, toujours actuelle, de reconduite à la frontière des sans-papiers, la fin du livre devient tragique, politique et rageuse, car «(…) Les malheurs sont toujours bien plus bruyants que les bonheurs. » Faut-il garder les oreilles bien ouvertes ou se les boucher afin d’avoir l’illusion d’être debout ?
Ou bien « Laisser le travail des vautours aux vautours » ?

Debout-payé – Gauz – Le Nouvel Attila – novembre 2015 – 216 p.- 6,90 €

Portrait de Gauz (nom d’écrivain de Armand Patrick Gbaka-Brede) 20/07/2018 ©NIESZAWER/Leextra/Leemage

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