
La Méditerranée, mer au milieu des terres comme son nom l’indique, est devenue un mur pour celles et ceux qui en viennent à préférer quitter leur terre en proie à la pauvreté, la persécution, la guerre, la dictature. L’écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert s’est emparé de ce sujet à travers le récit de l’odyssée de trois femmes qui prennent le même chalutier pour rejoindre l’île italienne de Lampedusa, port(e) d’entrée pour l’Europe.
Ces trois femmes viennent de différents pays.
Chochana est nigériane et juive et veut fuir son village où la terre est devenue stérile et pour qui Lagos, la tentaculaire mégalopole, ressemble à Sodome et Gomorrhe.
Semhar est érythréenne et chrétienne et veut fuir son pays asservi sous la dictature d’un militaire « qui interdisait à la jeunesse de rêver d’avenir » et en proie à une guerre avec le voisin éthiopien.
Dima, musulmane et d’un milieu plutôt bourgeois, vit avec son mari et ses enfants à Alep en Syrie. Accablée et en perpétuel sursis sous les bombardements de l’armée syrienne et de l’aviation russo-turque alliée de la dynastie Assad, la famille préfère rejoindre l’Europe par la voie méditerranéenne.
Louis-Philippe Dalembert, avec son écriture toujours sous contrôle, a visiblement bien étudié son sujet. Les trois récits sont détaillés dans toute leur horreur à chaque étape, la négation de toute reconnaissance humaine envers les migrants qui doivent donner leur dernier argent pour continuer et, pour les femmes, n’être qu’un objet sexuel aux mains de sadiques. Entre le récit détaillé et le violent réquisitoire, l’auteur n’esquive aucune horreur. En contre point, il dessine des portraits pétris d’humanité souriante et tragique de ces trois femmes et de leur famille respective. Quelles que soient leurs différences voire même leurs oppositions, elles deviennent sœurs dans le malheur et le courage jusqu’au naufrage final du chalutier et leur sauvetage par un pétrolier danois.
Reste l’étape suivante, leur accueil ou non des pays européens, pour les femmes et des hommes qui vivent, plus ou moins cachés auprès de nous. Un autre livre comme La Mer à l’envers de Marie Darrieussecq – (P.O.L. – 2019) aborde ce sujet, bien loin, très loin de l’épuiser.
A noté que Louis-Philippe d’Alembert a dédicacé son livre à la chancelière allemande Angela Merkel, qui a eu le « courage politique » d’accueillir des centaines de milliers de migrants. Mais pas à Emmanuel Macron…
