
En profitant d’une promotion de Noël, Rose s’offre, avec ses deux enfants, une croisière en Méditerranée dans un de ces paquebots monstrueusement géants. Celui-ci s’immobilise pour sauver des migrants en train de se noyer. Ils sont hissés dans le paquebot à l’aide des canots de sauvetage, d’abord les femmes et les enfants puis les hommes, très jeunes pour la plupart. Une main noire attrape Rose par la manche. C’est Younès qui demande un téléphone. Elle lui donne celui de son fils, téléphone qui sera tout au long du récit le fil jamais coupé entre elle et lui.
C’est ainsi que Marie Darrieussecq a choisi d’aborder un des sujets les plus tragiques de notre époque, les migrants qui tentent de fuir la pauvreté de leur pays et leur absence d’avenir en espérant pouvoir vivre correctement dans une Europe riche et plus sûre. Le personnage principal est Rose, qui accepte que sa vie soit bouleversée par la présence, parfois à distance, d’un jeune migrant sans chercher d’institutions ou d’associations qui pourraient l’aider. L’auteure décrit très bien les tensions vécues, la disponibilité demandée, et les satisfactions aussi, issues de sa démarche qui reste personnelle
Rose se pose aussi la question de la nature de son attachement à Younès « (…) elle se sent comme une vieille blanche qui aurait fantasmé sur un jeune noir », des conséquences sur sa vie familiale en tant que mère ayant l’impression de négliger ses enfants et épouse, de s’éloigner de son mari, et aussi sur sa vie professionnelle. Il lui semble qu’elle fait partie « des derniers membres de la classe moyenne avant l’effondrement du monde. »
Ce livre est le récit d’une volonté individuelle d’aider un migrant qui cherche à rejoindre l’Angleterre. Il en montre toute la difficulté, les écueils, les ambiguïtés, les doutes, les victoires. Il en écarte l’échec que serait un retour au pays natal. Dans ce récit, l’écriture souple et frissonnante de Marie Darrieussecq fait merveille.
Faut-il regretter l’absence d’une vision politique sur la question de l’accueil fait aux migrants ? On peut toutefois la deviner en transparence.
© La Mer à l’envers – Marie Darrieussecq – (P.O.L. – août 2019) – 256 pages – 18,50 €

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