Mississippi Solo – Eddy L. Harris (Llana Levi) 1988

Traduction française en 2020


La publication de « Mississipi Solo » en français est récente. La version originale aux Etats-Unis en anglais est parue en 1988 et a rencontré un gros succès. Il s’agit du récit de l’auteur, qui est Noir. Il narre sa descente à la rame des 4000 kilomètres du fleuve Mississippi qui traverse les États-Unis depuis la frontière souvent glaciale avec le Canada et se jette dans le Golfe du Mexique au climat tropical. Le Mississippi est une frontière séparant plusieurs États, le Minnesota du Wisconsin, l’Iowa de l’Illinois, le Missouri du Kentucky, l’Arkansas du Tennessee, la Louisiane de l’État du… Mississippi. Le récit de ce livre offre plusieurs pistes de réflexions

En premier lieu, ce voyage est un exploit physique extraordinaire d’autant que Eddy L. Harris n’avait pas d’expérience de pagayeur. Les eaux du Mississipi, « colonne vertébrale d’une nation,  symbole de force, de liberté et de fierté, de mobilité, d’histoire et d’imagination » sont ponctuées de rapides et de tourbillons tout au long de son cours, auxquels se rajoute le trafic incessant d’imposants cargos qui encombrent une partie importante de la largeur du fleuve. Voie de navigation essentielle au transport des marchandises, descendre ce fleuve avec Eddy Harris, « accablé des fardeaux de la nation », c’est remonter le cours de l’histoire, qui charrie des mythes et des fantômes du passé, ceux de l’esclavage et de la ségrégation. Ce sont des rencontres courtes ou longues mais jamais anodines où rien n’est joué à l’avance, où « une chose est aussi simple qu’un signe de la main.» 

En deuxième lieu, c’est reprendre le récit de l’histoire, celle de l’esclavage et de la ségrégation dont l’histoire ne s’efface nulle part. Il s’agit d’« Aller de là où il n’y a pas de Noirs à là où on ne nous aime toujours pas beaucoup. Eddy Harris descend ce fleuve, « accablé des fardeaux de la nation », c’est remonter le cours de l’histoire, qui charrie des mythes et des fantômes du passé, ceux de l’esclavage et de la ségrégation. Ce sont des rencontres courtes ou longues mais jamais anodines avec ce « (…) Noir insensé en route pour la Nouvelle Orléans sur un canoé », rencontres où rien n’est joué à l’avance, où une chose est aussi simple qu’un signe de la main. »

En troisième lieu, c’est aussi la réalisation d’un rêve, contre l’avis de ses amis. « Mais mon rêve, délicat et encore suspendu à la brise, était aussi réel que ces vaporeuses et aériennes toiles d’araignée estivales, et aussi accrocheur. Une fois qu’elles s’attachent à vous, il est difficile de s’en débarrasser. Il en allait de même  de  mon désir de chevaucher le fleuve. »

Et fuir la standardisation des voyages et le goût de prendre des risques : « N’est -ce pas le sel de la vie ? (…). Sans le risque de la défaite où est le triomphe ? Sans la mort qui rôde, que vaut la vie ? ».

Mississipi Solo est une leçon de géographie et d’histoire, qui se dévoile dans cette exploration physique, mentale et intellectuelle. Eddy Harris  propose cette leçon sur le racisme endémique aux États-Unis, en s’appuyant sur les mythes et les fantômes du passé marqué au fer rouge. Il rend ce dévoilement et cette exploration loin de tout conformisme,, marqués par des rencontres très diverses et plongés dans la réalité très concrète comme celle de la pêche à la mouche, celle d’un pub prêt à fermer quand la nuit arrive, « (…) ces regards d’hommes travaillant sur la rive qui se sont arrêtés pour me regarder et me faire signe. Le monde entier semblait me faire signe et me sourire, et j’étais une fois de plus un homme très heureux »Tout en restant très loin de la rigidité de récits historiques et géographiques encalminés dans des idéologies hors- sol, Eddy Harris, « accablé des fardeaux de la nation »,  remonte le cours de l’histoire, lourd des mythes et des fantômes du passé, ceux de l’esclavage et de la ségrégation.

Ces rencontres sont le résultat de hasards et de coïncidences, y compris « le plus petit contact avec un nouveau visage qui ne doit pas être sous-estimé tant que j’apporte quelque chose de positif » ou celle avec un « renard qui sait que je suis là et ne cesse de me regarder dans ma direction. Agile et curieuse petite créature ».

Avec ses réflexions sur le cours de l’histoire, auxquelles se mêlent ses observations et rencontres subtiles ou anodines, Eddy L.Harris réussit pleinement l’osmose entre les défis toujours renouvelés du récit historique et de son analyse, et celui de l’évocation de la vie quotidienne.
C’est magnifique !

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