
Lombard & Gable, la photo de couverture dévoile-t-elle qui sont Lombard et Gable ? On peut aisément supposer qu’il s’agit des stars de cinéma, Carole Lombard et Clark Gable, actrice et acteur d’Outre-Atlantique dont les deux noms accolés étaient, aux Etats-Unis, auréolés d’une gloire immense au mitan du XXème siècle. Outre leurs carrières devant les caméras d’Hollywood qui ont été fameuses, ils ont été souvent dans les gros titres de la presse people, leur histoire d’amour faisant l’objet de fantasmes pour un très large public américain et au-delà, en personnifiant le couple rêvé de deux stars de cinéma.
Au fait, qui se rappelle un ou deux titres de films dans lesquels, l’une ou l’autre ont tenu la vedette ? Je me suis rappelé rapidement deux rôles de Gable : Rhett Butler dans l’ultra-connu Autant en emporte le vent (1939) et le superbe Les Désaxés (1961) – l’un de meilleurs films américains du XXème siècle avec Marylin Monroe et Montgomery Clift dont la fragilité volait la vedette au super-mâle personnifié par Gable. En revanche, j’étais bien en peine de me rappeler un seul film dans lequel Carole Lombard. Pourtant, elle jouait dans le délicieux et ravageur « To or Not to be » que j’ai vu au moins cinq fois sans me rappeler le nom des actrices ni des acteurs.
Pourquoi s’intéresser à la vie de ces deux grandes stars qui ont formé un couple aux apparences idylliques. Le livre de Vincent Duluc n’a rien d’une hagiographie. Leurs vies privées sont racontées, avec la construction du mythe dont ils étaient l’objet, socle du fonctionnement de l’industrie américaine du cinéma dans les mains de studios qui contrôlaient tout, y compris en inventant des morceaux de vie pour rendre leurs actrices et acteurs des personnages encore plus mythiques, plus scandaleux(ses) ou plus acceptables dans une ambiance de moralité personnelle que ces studios racontaient et écornaient. A cette époque, les photos étaient primordiales alors que la télévision n’était qu’à ses débuts de la conquête des rêves et cauchemars de la terre entière. Une part importante de l’intérêt de ce livre est le décryptage du fonctionnement des studios de Hollywood, quand l’art du cinéma sert d’élégant paravent à une machinerie financière impitoyable, même parfois pour les stars.
En contre plongée, Vincent Duluc ne dissimule pas les petites manies et gros mensonges de Carole et Clark, surtout celles et ceux de Gable dont le portrait est assez sévère. Et des anecdotes parfois futiles et terribles comme celle de Carole qui, se levant un peu avant Clark, le jour de leur mariage, réprime difficilement « (…) un cri, son pied avait marché sur quelque chose et c’était le roi qui avait fait tomber son dentier sur la moquette. » « Elle lisait presque tout, il ne s’intéressait à presque rien sauf ce qui le concernait (…) ». Le portrait de Carole est plus tendre et complexe en insistant sur les engagements de l’actrice, y compris pendant la Seconde guerre mondiale qui lui ont couté la vie, tout en restant très éloignée des champs de batailles.
Mais elle restait proche de la guerre, en participant au célébrissime « To Be or Not to Be » dont l’objectif est de ridiculiser Hitler et les Nazis. Quelques jours après la fin du tournage, Carole Lombard trouve la mort dans un accident d’avion en revenant chez elle. Vincent Duluc raconte avec détail et émotion les dernières heures de Carole et la douleur de Clark. Ces pages décrivent Carole et Clark autant qu’êtres humains que stars régnantes dans le ciel du cinéma américain.
C’est toute la réussite de ce livre : réussir à faire cohabiter la vie de Lombard et Gable, leurs grandeurs et leurs petitesses, leurs destins personnels glorieux, tragiques et futiles, et le fonctionnement de l’industrie américaine du film à une époque souvent considérée comme une sorte d’âge d’or du cinéma. Et en arrière-plan, la société américaine tiraillée entre un matérialisme envahissant et le gout des héros accessibles ou non, mais qui parlent de et à la société américaine.
Lombard & Gable – VINCENT DULUC – Stock – janvier 2021 – 240 pages – 18,50 €
