La loi du rêveur – Daniel Pennac – (Gallimard nrf – décembre 2019)

« La lumière est de l’eau. » Cette affirmation qui semble absurde, c’est Daniel Pennac lui-même qui la partage avec son meilleur copain, Louis, dans leur chambre d’enfant. Ils ont dix ans chacun. Louis et Daniel ont un jour de différence, ou un an, cela dépend de la façon de compter quand l’un est né le 31 décembre à 23h59 et l’autre, le 1er janvier à zéro heure et une seconde. Plus tard, Daniel veut encore persuader Louis que la lumière est liquide quand elle coule d’une ampoule qui vient de se briser sur le sol. Cela peut devenir une « inondation de lumière ». Quand une ampoule explose comme un fruit, cela devient « une éclaboussure de bouton d’or ». La lumière, ses différentes apparitions. Une inondation… Il cherche Louis, et ses parents avec lesquels il devait partir en randonnée. Invisibles ? Introuvables ? Il sort de la maison par la fenêtre. La ville entière est inondée. Il se sent responsable de cette catastrophe. Les voitures, accidentées ou non, sont emportées par le fleuve de lumière morte. Un agent planté dans un carrefour brandit une grande torche sur lui.
Il se réveille « face à Louis qui l’éblouissait avec sa frontale tout en versant une gourde d’eau sur la tête. »
Cette nuit-là, Daniel est devenu écrivain.

Un autre rêveur fameux, Federico Fellini, note et dessine ses rêves à la seconde où il se réveille. Certains donneront les plus belles images que le cinéma n’a jamais montrées. Daniel sera rêveur aussi, c’est-à-dire écrivain. Rêves et souvenirs s’entremêlent pour faire des romans pour Daniel, des films pour Federico.  Les rêves sont miraculeux : ils reconstituent un présent qui appartient depuis longtemps au passé ; ils inventent des détails qui embellissent la réalité ; ou qu’ils la dramatisent.  « (…) raconter un rêve, c’est l’imaginer autant que s’en souvenir. C’est transformer la sensation. Au sens strict de l’expression, c’est faire des histoires ». Et que deviennent les souvenirs quand ils n’ont pas été imaginés (transfigurés) en rêve ? Et comment les rêves deviennent matière à faire naître de l’art ? « Tu as toujours cultivé le souvenir de la sensation plutôt que sa répétition. C’est ce qui fait de toi un écrivain, j’imagine » « N’être rien d’autre que dans la sensation d’être, et me complaire dans ces formules contentes, comme si j’écrivais sous l’eau, sans stylo, sans papier, avec des mots solubles. » .

Essayer de résumer ce livre labyrinthique est un pari perdu d’avance. Distinguer le réel du rêvé est une expérience qui n’a rien de logique, et difficile à partager : comment un rêve peut-il être résumé ? Est-ce possible de suivre les rêves des autres ? Quand il s’agit de grands et talentueux bonimenteurs comme Fellini et Pennac, leurs propos ne font que renforcer et accepter l’absurdité de leurs rêves. Il ne reste qu’à se laisser aller en ouvrant grand les yeux pour être embarqué et recueillir les clés de leurs rêves. Et oser rêver ensuite, grâce à eux, sans eux.

© La loi du rêveur – Daniel Pennac – Nrf Gallimard– décembre 2019 – 240 pages – 17,00 €

Daniel Pennac

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