La patience du baobab – Adrienne Yabouza (éditions de l’aube – 2018)

Bientôt, Ambroisine, vingt-sept ans, vivant à Bangui (République centrafricaine), va se marier avec Pierre « (…) un Blanc de Dijon pas plus fier que ça d’être bourguignon et heureux comme tout d’épouser une belle fille fessue couleur café. »  En fait, l’histoire de ce livre n’est pas celle d’Ambroisine qui, après son mariage, quitte Bangui avec son mari bourguignon. C’est celle de Aïssatou, la meilleure amie d’Ambroisine : pendant le mariage, elle a fait la connaissance de Rémi, ami français de Pierre. Elle en tombe amoureuse, avec effet réciproque.

Raconter comme ça, on se croirait dans une romance « feel good » pour lectrices et lecteurs souhaitant s’évader dans un monde de rêves et de douceurs. Ce n’est pas du tout le propos d’Adrienne Yabouza : avec de nombreuses touches ancrées dans la vie quotidienne à Bangui, elle décrit le parcours de combattante que doit suivre une femme africaine qui souhaite rejoindre ton fiancé en France.  Elle baigne le lecteur « dans l’Afrique des Noirs, la vraie Afrique criarde que personne n’avait désinfectée (…) avec ses taxis pourris jusqu’à la moelle qui offrent mille gaz de pots d’échappement (…) ». Elle décrit la vie toujours ancrée dans l’incertitude d’une occasion qui, quand elle survient, doit être prise au vol. « Si la chance passe, tu la saisis. Et tu réfléchis après. Si tu ne fais pas ça, elle risque bien de ne jamais revenir ou bien, c’est trop tard. ». Pour saisir cette chance et la transformer en réussite, il faut de la patience, « la patience du baobab ». Elle marque les différences et les ressemblances entre ces deux parties de l’humanité, les Noirs et les Blancs, qui ne cessent depuis plusieurs siècles de se croiser, de s’affronter, de se détruire, se demandant « (…) pourquoi les Français officiels calfeutrés dans leur ambassade avaient toujours peur des Africains des pays où ils résidaient : quel reproche craignaient-ils, quelle colère, pour quel crime impayé ? », alors qu’ils sont membres du même humanité : « Ceux qui disent que les Blancs sont comme ceci et les Noirs sont comme cela, n’ont jamais entendu un Blanc ou un Noir parler à belle fille, parce que c’est du tout pareil, avec les mêmes mots et les mêmes envies plein la bouche. »

Adrienne Yabouza décrit toutes les étapes pour atteindre le but recherché, un visa permettant d’arriver en France pour se marier et y rester. Ce parcours long et sinueux se déploie dans la vie quotidienne à Bangui, sous la menace permanente de rebelles et de coups d’État. Il se bloque dans les arcanes du Consulat ou de l’Ambassade de France. Il se fige dans une attente interminable. Ce parcours chaotique est narré avec une écriture métissée, colorée, savoureuse, inventive. Ce livre en devient un véritable plaisir de lecture qui bascule souvent du drame à la joie, du bonheur au doute, un livre plus grave qu’il n’y paraît au premier abord, comme en témoigne distraitement les dernières lignes…

© La patience du baobab de Adrienne Yabouza, éditions de l’aube, février 2018, 176 p., 16,90 €

Adrienne Yabouza (photo Le Télégramme)

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