La Mort du roi Tsongor – Laurent Gaudé (Actes Sud – 2002)

Entre tragédie grecque et légende africaine, La Mort du roi Tsongor plante son décor au cœur d’une Afrique ancestrale mythique et irréelle. Le vieux roi Tsongor, qui a depuis longtemps fait taire ses instincts guerriers, marie sa fille Samilia au fortuné et beau prince Kouame. Un deuxième prétendant, Sango Kerim, auquel Samilia avait jadis promis sa main, vient faire valoir son droit à la priorité. Tsongor refuse de choisir entre les deux hommes. Il se donne la mort avec l’aide de son serviteur, Katabolonga, qui fut l’un de ses ennemis. Une guerre sanguinaire éclate alors entre les armées des deux prétendants, pendant que le plus jeune fils du roi, Souba, parcourt la terre pour édifier sept tombeaux à l’image du vénéré autant que haïssable roi défunt.

C’est ainsi que Laurent Gaudé – qui avait à peine trente ans quand il a achevé ce très beau romain –  avec une écriture houleuse et sensuelle, guerrière et amoureuse, celle des sentiments nobles et des actes cruels, donne libre cours à son imaginaire romanesque pour embrasser les grands thèmes de la tragédie classique tels que l’héroïsme, l’amour, la vengeance, la honte et le pardon.  Et révéler l’inéluctable défaite de la bravoure et de la beauté car les élans du cœur et les lois du clan sont définitivement incompatibles. Et aussi l’impossible victoire de cette guerre qui, comme toutes les autres, ne se solde que par une défaite. Il ne reste que l’hospitalité des meilleurs souvenirs dans un palais à construire, quand tous les autres ont été détruits.

Ce livre court mais foisonnant annonce, plus de dix ans avant, les deux derniers livres de Laurent Gaudé, Danser les ombres (2015) et Ecouter nos défaites (2016).
D’une part, son écriture des combats dans La Mort du roi Tsongor où morts et vivants sont deux formes d’une même cruelle réalité, annonce la dernière partie de Danser les ombres qui évoque une longue procession entre vie et mort, entre ombres et vivants qui parcourent des rues détruites de Port-au-Prince, après le séisme cataclysmique qui a touché Haïti en janvier 2010.
D’autre part, les combats sans issue dans La Mort du roi Tsongor sont les prémisses des quatre récits différents, dans Ecouter nos défaites, qui racontent l’issue toujours finalement perdue de toutes guerres, même celles qui paraissent avoir été victorieuses.

En s’appuyant sur des lieux imaginaires et lointains qui trouvent leurs reflets tragiques dans l’histoire contemporaine, Laurent Gaudé raconte l’absurdité de la destinée humaine en bousculant le temps et l’espace avec une écriture qui éclaire puissamment son propos.

© La mort du roi Tsongor de Laurent Gaudé, Babel, janvier 2005, 208 p., 6,60 €

Laurent Gaudé (Photo Julien Weber/Paris Match)

Un commentaire sur “La Mort du roi Tsongor – Laurent Gaudé (Actes Sud – 2002)

  1. Imaginaire qui flirte terriblement avec des réalités africaines encore contemporaines. Lire « les enfants de Toumai » de Thomson, bcp moins bien écrit, mais parfois d’une vérité confondante.

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