Au commencement du septième jour – Luc Lang – Stock (2016)

au-commencementIl s’agit, a priori, d’une chronique familiale, trois frères et sœurs : Thomas, informaticien surdoué, marié avec Camille qui vient d’être victime d’un mystérieux et fatal accident de voiture, père de Anton et Elsa. Il travaille dans une start-up en pleine croissance, « vivant avec ivresse l’invention d’une monde global », sommet symbolique de la modernité connectée et totalitaire en mettant au point un logiciel de surveillance du temps de travail. Jean, le frère ainé, ingénieur agronome, est resté au pays, dans les Pyrénées, pour s’occuper de l’élevage familial de moutons en maintenant une exploitation de type traditionnel, le contraire absolu de l’univers de son frère. Pauline, la sœur ainée, travaille dans une ONG au nord du Cameroun, dans une région menacée par Boko Haram, en appartenant «à cette cohorte rare de Blancs qui mendiaient leur pitance sur le continent noir, parce qu’ils s’étaient égarés dans le rêve illusoire de l’Afrique somptueuse et sauvage. ». Trois destinées divergentes, chacune emblématique d’un aspect de notre monde, mais enracinées dans un même passé familial tragique toujours en résurgence.

Chacune de ces trois parties – Paris, Les Pyrénées, le Cameroun – met l’accent sur un aspect du monde actuel. A Paris, la férocité de l’univers orwellien des start-ups aux exigences diaboliques. Dans les Pyrénées, la beauté d’une nature sauvage où la vraie vie, celle du maintien d’une ruralité salvatrice, n’empêche pas les catastrophes avec ce constat : « La vie est une prison, on est enfermés dans le malheur ». Au Cameroun, la description apocalyptique d’un pays maintenu dans la pauvreté par le néo-colonialisme dont l’instrument est un Président au pouvoir depuis plus de quarante ans, corrompu et brutal, mais désarmé face à la menace de Boko Haram….

Cette saga familiale enjambant le temps et les kilomètres est développée avec un art de la narration stupéfiant, une écriture dont la capacité descriptive s’inscrit dans les mots autant que dans le rythme de la phrase, un contexte qui, à chaque fois, loin d’être un décor, devient partie prenante du récit, dont l’élaboration complexe reste pourtant limpide. Et ces phrases en mots bousculés, en torrents bouillonnants, en chutes vertigineuses, en escalades escarpées, ces phrases qui dégringolent, qui se cognent, qui rebondissent, filent impétueusement grâce à des sensations précises et des perceptions à fleur de peau, vers une conclusion, toujours en suspens.

Luc Lang a fait de ce roman une course effrénée, celle de notre époque devenue folle, celle d’une famille dont les plaies sont imprescriptibles, celle d’un livre parfaitement abouti.

Luc Lang (photo Ulf Andersen)
Luc Lang (photo Ulf Andersen)

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