Deux livres américains lus l’un après l’autre, L.A. Story, de James Grey (Flammarion) et Des mules et des hommes, de Harry Crews (Gallimard).
L.A Story, publié en France en août 2009, décrit la vie des habitants de Los Angeles, à travers les histoires de nombreux individus, mais surtout à travers quatre destins, un jeune couple qui fuit l’ambiance étouffante de l’Ohio pour vivre llibrement leur amour, une fille d’immigrés mexicains qui cherche à réussir, un SDF amoureux de Chablis (pas le vrai) et un acteur hypercélèbre qui cache derrière sa facade publique une vie pas très reluisante. Quatre destins archétypiques. Les chapitres sont séparés par des notations historiques plus ou moins fantaisistes sur Los Angeles.
La narration se rapproche de celle des séries américaines télévisées, où se développent les intrigues qui, de suspens en rebonds, retiennent l’attention du spectateur (ou du lecteur) jusqu’à un dénouement éventuel, ou jusqu’au défaut d’inspiration des scénaristes (ou de l’auteur). Sauf que dans une bonne série, les destins se croisent. Pas dans ce livre.
Le style est plutôt relâché, avec ponctuation variable et des « putains de… » qui émaillent le texte de façon aléatoire.
J’ai lu ce livre jusqu’au bout, la première moitié avec un certain entrain, la deuxième moitié avec un certain ennui. Car, en fait, il n’y avait plus rien de bien nouveau : on comprend rapidement que le but du livre est de montrer que les rêves de ceux qui viennent à L.A. et le sort de ceux qui y vivent n’est qu’une suite de chimères et de défaites. Pas très original ! Pourquoi donc ces critiques en général excellentes ? Est-ce à cause de la réputation un peu sulfureuse de son auteur, James Frey ? A cause d’une construction qui parait nouvelle ? A cause d’un sujet en or, Los Angeles, cette agglomération qui n’est même pas une ville et qui abrite un Léviathan multiforme ? Mais ce sujet est traité de façon finalement assez convenue, qui va bien avec le cynisme post moderne qui est si prisé actuellement. Dommage…
Je n’ai encore jamais lu de livres de James Ellroy, il ne me reste plus qu’à le faire.
Des mules et des hommes est un récit autobiographique de Harry Crews, écrivain américain du Sud des Etats-Unis, écrit en 1976 et traduit en Français en 1997. Cette enfance se passe dans un patelin paumé du sud de la Géorgie, dans Bacon County, où la terre dure et revêche est labourée par des socs tirés par des mules. La dureté extrême des conditions de vie de ces petits paysans blancs appelés souvent Rednecks, s’accompagne d’évasions surnaturelles et de lieux magiques où les serpents parlent, où les oiseaux crachent dans la bouche des enfants pour s’emparer de leur âme.
Le récit est vu des yeux de l’enfant que l’auteur a été, avec les mots et les tournures qui vont avec (grand bravo au traducteur Philippe Garnier). C’est souvent terrible car la violence, l’alcool et la pauvreté régnent en maîtres dans ses régions pendant et après la Grande Dépression des années 30 ; attendrissant, car il y a de l’amour dans ces familles, avec les parents et quelques oncles et tantes qui veillent de façon tutélaire à ce que le destin ne soit pas d’une noirceur absolue ; réconfortant grâce à la description inattendue de la solidarité, non seulement entre Rednecks, mais aussi avec la famille noire qui travaille avec eux sur la même terre ; drôle, car on reste dans le monde de l’enfance.
Pourtant, le petit Harry vit des moments atroces : il attrape la polio sans savoir s’il pourra remarcher un jour, il est ébouillanté vivant par accident, il est le témoin effaré de la violence de son père envers sa mère… J’arrête là, car je ne veux pas dévoiler la fin du récit où il est question de Dieu, de petite fille, d’ours et de soleil.
Pour finir, une citation (page 117 de l’édition Folio) : « Tatie m’a fait croire qu’on vit dans un monde qu’il est possible de découvrir, sauf que la plupart de ce qu’on découvre reste un mystère complet qu’on peut certes identifier – même se défendre contre – mais jamais comprendre. »
Il paraît qu’Harry Crews est un des maîtres du roman noir américain. D’ailleurs, la plupart de ses livres traduits en Français sont édités dans la Collection La Noire. En tout cas, il donne un livre passionnant et étonnant, dont la dureté ne rallie pas ce cynisme qui m’a exaspéré dans L.A. Story, mais qui permet de découvrir une humanité qui reste incompréhensible.
J’ai lu avec beaucoup d’attention ce billet car le roman de Crew m’attire énormément, j’ai aimé « louons maintenant les grands hommes » d’ Agee et ce roman m’y fait penser , je lis en ce moment hard Times qui est un livre tout à fait extraorinaire, une compilation des paroles, des dires d’américains sur la grande dépression des années 30
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Oui, moi aussi, j’ai beaucoup pensé à « Louons maintenant les grands hommes » : il y a un réel rapport entre les deux ouvrages. Mais le parti-pris littéraire est très différent.
J’ai entendu parlé de « Hard Times » : le jour où je voudrais me replonger dans la Grande Dépression, je le lirai. Pour le moment, je suis au Vietnam avec l’extraordonaire « ru » de Kim Thuy. J’en parlerai prochainement.
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