Une surprise bien noire : un bon policier à la française, La Dame de trèfle, de Jérôme Bonnell. Bonne surprise car je ne sais pas à quand je dois remonter pour me rappeler un policier français qui me plaise (à part Mesrine, peut-être). Et s’il faut remonter à Melville, ça fait loin…
Bon policier, d’abord parce que la première partie, avant le crime, est extrêmement fièvreuse ; la description de la vie des jeunes et moins jeunes qui se retrouvent au bar de la petite ville proche de Chartres est âpre comme leur vie, jusque dans leurs moments d’ivresse pour oublier le présent. On est loin du regard compassionnel ou cynique tant prisé par le cinéma et la littérature par les temps qui courent. On est loin aussi du milieu habituel des gangsters et autres mafias organisés. Rien qu’un minable traffic de métal qui tourne mal… Tout de suite, la menace s’installe avec cette sombre histoire de vols de métaux qui a raté, l’engrenage se met en route jusqu’au meurtre.
La deuxième partie du film est moins frénétique mais toute aussi pesante dans l’attente de l’éventuelle découverte du cadavre, du meurtrier présumé ou non… La tension vient de l’attente, l’angoisse, le vide qui tout à coup remplit l’écran. Le risque aurait été de faire pencher le film vers de laborieuses explications psychologiques, comme on aime tant faire dans le cinéma français. Là, pas du tout, même si la relation entre le frère et la soeur reste le centre de gravité de tout le film. Mais sans rien vraiment savoir d’eux. Dans la lumière grise et noire qui domine le film, en l’absence de tout pittoresque de la vie de province, le frère et la soeur tentent de survivre.
Ils finissent par se libérer l’un de l’autre dans une fin particulièrement dramatique.
Les acteurs sont parfaits : Aurélie, le frère, est interprèté par Malik Zidi qui, dans un jeu très retenu, laisse son étrange visage roux traverser toutes les palettes de l’errance. Florence Loiret-Caille, la soeur, passe de l’hystérie à l’abattement, du désir à la tendresse avec un grand naturel. Jean-Pierre Daroussin est menaçant à souhait : c’est un grand acteur, on le sait depuis longtemps.
Tout ceci contribue à faire de ce film policier une sorte de pierre noire, couleur rare dans la description de la doulce France provinciale et populaire. D’habitude, le noir est rattaché au comportement d’une bourgeoisie avide et hypocrite comme dans les films de Chabrol. Ici, dans La Dame de trèfle, qui n’est pas un film social, les classes populaires sombrent dans une désespérance tragique.
Comme pour le précédent « Une vie toute neuve » j’avais repéré dans la presse celui ci… J’aime beaucoup les polars à l’écran et sur la papier. Hélas, des vents contraires en ce début d’année me détournent du chemin menant aux salles obscures. Tant pis, il me reste vos yeux et vos appréciations ! C’est mieux que rien…
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