
(Ce billet a été écrit en 2010, au moment de la publication du livre)
Le nom de l’auteur ne me disait rien. En regardant sa bibliographie, j’ai reconnu le titre d’un livre, Le vieux qui lisait des romans d’amour, sans trop me rappeler si je l’avais lu ou non. La 4ème de couverture décrivait quelque chose qui ressemblait à une réunion d’anciens combattants. J’ai donc ouvert L’ombre de ce que nous avons été avec une certaine circonspection…
Ce livre ne réserve que de bonnes surprises. Il commence bizarrement par un casse de banque qui date des années 20, une réunion d’anciens militants maniant les casuistiques communiste et gauchiste avec brio dans un hangar isolé et une dispute conjugale mortelle. L’écheveau de l’intrigue semble compliqué. Mais on s’y plonge avec délice grâce au style coloré et très vif, entre policier et burlesque.
Sous cette apparente légèreté, c’est l’histoire récente du Chili qui est le centre du sujet, celle de la présidence d’Allende et de la dictature de Pinochet. Tout l’art de Sepulveda est de transformer ce qui aurait pu n’être qu’une réunion d’anciens combattants vieillis et résignés en un récit à rebondissements multiples et hilarants. Cela évite tout apitoiement. L’intrigue semble partir de tous les côtés. Comme l’enquête policière sur le mort inconnu, menée par un vieil inspecteur et une toute jeune recrue qui met en perspective le rôle de la police. Ou bien ce chapitre entier d’échanges d’emails brossant un raccourci drolatique de la recherche de l’âme sœur… Ou l’éventuelle rencontre avec Brigitte Bardot lors de l’exil en France.
Mais le centre de gravité du roman reste cette réunion secrète d’anciens opposants à la dictature. Avec un humour désabusé et un regard tendre sur ces survivants cabossés, Sepulveda raconte la nostalgie de l’espoir meurtri, la colère contre ceux qui l’ont brisé. Mais aussi, finalement, la possibilité d’une revanche sur ce passé douloureux.
Ce livre est écrit avec une grande virtuosité, je l’ai refermé essoufflé et heureux.
