
Il y a deux ans, j’avais été conquis par « Love Me Tender » de Constance Debré, dont le nom de famille a marqué l’histoire à l’orée de la Vème République et le titre de ce livre, celui d’un Tube d’Elvis Presley du début des années 60. Avec Nom, c’est directement la famille de l’auteure qui est en question. On peut rapidement s’imaginer qu’il s’agit d’un règlement de compte familial, dans une vision très psychanalytique.
Et très mortuaire. Les premières pages sont consacrées aux signes de la mort toute récente, de son père, l’arrivée des pompes funèbres, leurs paperasseries et leurs froides manipulations du cadavre.
Puis, elle va nager. Elle nage tous les jours. Le lendemain, elle voit toutes les photos privées et publiques de sa famille qui a participé à la vie nationale en haut de la pyramide. Elle note : « Il faut finir avec l’origine, je ne garde pas les cadavres. » Mais la famille laisse des souvenirs, des traces, des taches plus ou moins indélébiles. Est-il possible de s’en libérer, d’en finir ?
C’est tout le sujet du livre. Cela fait longtemps que Constance Debré se détache, s’arrache de cette famille dont la notoriété publique cache les fissures, les faiblesses, les originalités, Et tout ce qu’elle laisse, ce qu’elle lègue, non en richesse matérielle (certes elle existe), mais en vies écartelées et/ou étouffées par la drogue devenue une habitude familiale. Et ce n’est pas qu’un simple joint.
Constance, elle, dort dans des anciens hôtels ou chez ses amantes. Elle se débarrasse « de tout, de tout ce qu’on a, de tout ce qu’on connaît, et aller vers ce qu’on ne sait pas. » Et plus loin, elle écrit « être libre, c’est le vide, ce n’est que ce rapport avec le vide. » Et sa famille, sa mère, son père, ses trois tantes, les morts, « le respect des morts est la chose la plus dégoutante qui soit, le respect en général, il n’y a rien à respecter. » Son père est « élégant à se foutre de tout, des fringues, du fric, de lui-même et des autres » .
Les citations, il y en aurait plusieurs centaines habilement enchainées, faciles à isoler, à montrer, à citer …., à moins que » Nom » soit surtout une suite de citations d’autant que les phrases y sont souvent très courtes. Les descriptions des parents de l’auteure sont d’une réelle complexité, au contraire de ses affirmations concernant elle-même, comme s’il s’agissait d’une nouvelle forme de fossé générationnel.
Finalement, cette histoire de famille célèbre racontée par une pauvre petite fille riche est-elle vraiment intéressante ? Oui, grâce à l’écriture de Constance Debré qui livre sans enflures sa propre vie et celle des siens. Chaque morceau de phrase qu’elle lance à bout portant exhibe de façon radicale les us et coutumes, les heurs et malheurs d’une forme de pouvoir qui affronte contradictions et imperfections. Est-ce un jeu ? une confession ? un réquisitoire ? Une parole vraie ?
A vous de lire.
