
De Chimamanda Ngozi Adichie, ses lectrices et lecteurs dans le monde entier connaissent deux livres, de 500 pages chacun, l’un et l’autre ayant rencontré un grand succès mondial : L’autre moitié du Soleil plongeant dans la terrible guerre du Biafra qui a déchiré le Nigeria et épouvanté le monde entier, Americanah, livre de la migration volontaire de l’auteure aux Etats-Unis (où elle vit toujours). Grande féministe, elle s’est engagée vigoureusement pour l’émancipation des femmes.
Avec Notes sur un chagrin, écrit en 2021 sur à peine 100 pages en pleine crise sanitaire mondiale, Chimamanda Ngozi Adichie projette son écriture sur la mort de son père, vivant toujours au Nigeria alors qu’elle réside aux Etats-Unis.
La suite de ce texte est un copie intégrale de l’article écrit par Gladys Marivat, collaboratrice du « Monde des livres ». Je me permets de le recopier car ce texte, aussi intelligent qu’émouvant, est une splendide et profonde introduction à la lecture de ces « Notes sur le chagrin ».
« Ecrire ce que l’on vit quand on le vit, avec le fol espoir de le saisir vraiment. Dans Notes sur le chagrin, Chimamanda Ngozi Adichie tente l’expérience. Son livre n’est pas une longue réflexion sur le deuil, ou ce qu’il est supposé nous apprendre. C’est un défi lancé à l’écriture. Le 10 juin 2020, quand elle apprend la mort de son père au Nigeria, l’autrice est confinée aux Etats-Unis, où elle vit. Elle ne peut qu’écrire. Les mots seront-ils capables de dire ce que la mort de son père a provoqué en elle ? L’effondrement, le dérèglement de ses organes ? Cette sensation d’avoir été « déracinée » de ce qu’on appelle la réalité ? Tandis qu’elle tape à l’ordinateur, son corps est parcouru de tremblements. Le chagrin est une épreuve physique ; l’écriture aussi.
Initialement paru dans The New Yorker, Notes sur le chagrin frappe par son style direct, sa sincérité, sa prose brute et sa forme spontanée qui fait se côtoyer anecdotes triviales (la passion de son père – ancien professeur de statistiques – pour le sudoku) et souvenirs terribles (l’enlèvement de ce dernier au Nigeria contre une rançon). Peu à peu, les fragments d’une phrase ou de quelques pages forment le portrait de ce père tant aimé, puis, dans un troublant jeu de miroirs, celui de l’écrivaine elle-même. Elle se revoit à travers ses yeux – elle que son père surnommait en igbo Ome Ife Ukwu, « Celle qui fait de grandes choses ». Ainsi, elle traverse les journées sans lui. Ainsi, son père vit dans ses mots. Le pari est gagné. »
