La petite dernière – Fatima Daas – Notabilia – août 2020

Chaque chapitre de ce monologue commence par le même mantra : « Je m’appelle Fatima. » Elle est la petite dernière d’une famille française d’origine algérienne et musulmane pratiquante qui habite Clichy-Sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Elle sait que sa mère a fait un infarctus à sa naissance. Son prénom est celui « de la plus jeune fille du dernier prophète, Mohammed ». Fatima signifie « petite chamelle sevrée ». La sexualité est taboue. A l’adolescence, elle s’aperçoit qu’elle désire les filles. Impossible à dire, à vivre dans son milieu. Impossible à se dire à soi- même ?

Ce livre n’est pas une enquête sur l’homosexualité féminine dans le milieu musulman français. C’est le cheminement de Fatima – chaque court chapitre commence par « Je m’appelle Fatima » – révélant des mots impossibles à penser, à se dire, à dire aux autres, car elle est musulmane et croyante. Mais elle écrit ses mots, sa vie, les contradictions qui la traversent. Elle est lesbienne, elle reste musulmane. Est-ce possible d’être musulmane et homosexuelle ? Peut-on se construire avec deux idées de la vie et de l’être humain qui paraissent contradictoires ? C’est un combat plus ou mois facile suivant l’endroit on l’on vit. A Clichy-sous-Bois, c’est possible, malgré tout. C’est ce que Fatima Daas raconte sans célébrer une victoire, sans timide acceptation, sans dissimuler les déchirements causés et, parfois, en cours de cicatrisation. Les dernières pages avec sa mère sont d’une indicible beauté qu’il est possible de juger de façon totalement contradictoire.
Ce livre outrepasse le jugement, d’où qu’il puisse venir, sans éluder les difficultés, en éclairant la complexité. Grâce à son écriture construite avec des mots simples, des chapitres courts, des fragments, des mosaïques, Fatima Daas donne une leçon de vie emplie de tendresse et de subtilité.

© La petite dernière – Fatima Daas – Les éditions Noir sur Blanc – août 2020 – 192 pages