
Alain Mabanckou, écrivain d’origine congolaise, romancier, poète, essayiste, est bien connu en France, notamment avec son roman, « Mémoires de Porc-Epic » (Le Seuil) qui a reçu le Prix Renaudot en 2006. En 2016, il a écrit dans le cadre des Leçons inaugurales du Collège de France, « Lettres noires : des ténèbres à la lumière » pour inciter les écrivains noirs d’aujourd’hui à penser et vivre leur identité artistique en pleine lumière. Depuis 2002, il vit aux États-Unis, le plus souvent en Californie. Il n’avait jamais évoqué jusqu’à présent, sa propre vie aux États-Unis. Dans Rumeurs d’Amérique, il entreprend une « autobiographie américaine entre les mirages de l’imaginaire, les rebondissements de l’insolite, la digression de l’anecdote, et la crudité de la réalité. »
En une quarantaine de courts chapitres, il envoie autant de coups de projecteurs sur cette Amérique si multiforme. Son écriture, très vive, correspond bien à ces croquis qui laissent apparaître le principal sans négliger les détails, en mélangeant la grande histoire et la petite, y compris la sienne.
C’est d’ailleurs une des caractéristiques d’Alain Mabanckou : aller du quotidien aux grandes idées politiques, de la sape, code vestimentaire aussi strict que coloré venu du Congo, au racisme profondément ancré dans l’Amérique blanche. Il évoque James Baldwin auquel il avait consacré un livre (Mabanckou est un des rares auteurs francophones qui a fait connaître James Baldwin en France). Il célèbre l’un des sports favoris de Américains, le basket-ball, dont, au début, il ne comprenait pas l’importance des temps morts. Il interroge le rap et sa violence. Il observe le débat politique aux Etats-Unis à moins d’un an des élections de novembre 2020 et pense que Trump est un personnage parfait …pour un romancier. Il n’évoque pas le mouvement Black Lives Matter, encore trop discret alors qu’il écrivait ce livre.
Parfois en filigrane, parfois à découvert, Mabanckou affirme combien son écriture est politique, en ne cessant pas d’évoquer la lutte des Noirs pour l’Egalité, en évoquant des écrivains noirs pas assez connus, comme Ernest J. Gaines, souvent défini comme le « Faulkner Noir ». Ce qui donne très envie de lire un de ses livres.
Rumeurs d’Amérique est un patchwork cousu main par Alain Mabanckou, rattrapé, à la fin du livre, par l’épidémie du coronavirus et sa gestion par Trump, dur atterrissage sur une réalité que l’auteur avait joliment dépeint tout au long du livre, même quand il s’agissait d’obsèques d’ami disparu. Il clôt ce livre en découvrant que « L’Amérique est une fiction… » après y avoir vécu presqu’une vingtaine d’années. Parfois, on aimerait qu’elle reste une fiction quand on observe ce qu’elle risque de devenir en réalité.
© Rumeurs d’Amérique – Alain Mabanckou – Plon (août 2020) – 256 pages – 19,00 €

Merci beaucoup. Je transfère à Agnès et Dominique
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