Chanson bretonne / L’enfant et la guerre – J.M.G Le Clézio (Gallimard – 2020)

Deux récits avec un point commun, l’enfance de l’auteur.

Chanson bretonne ne raconte pas l’enfance bretonne de Le Clézio, mais son travail de reconstitution de son enfance qu’il entreprend en visitant les lieux où il avait vécu pendant une partie de la Seconde guerre mondiale. Reconstitution des lieux toujours existants, l’Odet qui lui « paraissait grand comme l’Amazone », le village de Sainte Marine avec « sa longue rue de terre graveleuse », « la pompe communale (…) chargée officiellement de fournir l’eau potable aux habitants ». La langue bretonne, « une langue pour être dehors, pour crier, pour jurer, pour s’injurier » au contraire de celle de l’école et des Parizianer.

Langue bretonne dont il explique en partie la quasi-disparition par le discrédit dont elle a été victime, de fait de l’alliance entre certains Bretons et l’Allemagne de Hitler pendant l’Occupation. Langue bretonne dont il célèbre la renaissance par les chanteurs bretons et les grands festivals organisés à Lorient et Quimper.

Autre caractéristique importante, la pêche, celle pratiquée en rivière par Raymond Javry, le meilleur pêcheur du village et qui peignait quand il ne pêchait pas ; et aussi la pêche dans le Golfe du Morbihan ou sur le raz de Sein, entre autres… Et les luttes ardentes des pêcheurs en détresse allant jusqu’à l’incendie du Parlement de la Bretagne à Rennes en 1991.

D’autres figures, comme le couple Le Dour, chez qui deux filles, Maryse et Jeannette, avaient été placées par l’Assistance publique, l’une « maigre et noire », l’autre « avec un joli visage régulier et de beaux cheveux coiffées en chignon. »

… Et bien d’autres souvenirs à partir desquelles Le Clézio décrit la Bretagne telle qu’il la reconstitue, telle qu’il la réfléchit, telle qu’il la décrit comme « ces marches à la marée basse qui sont comme marcher au fond d’un rêve, partir  à la rencontre avec les trésors engloutis et les monstres »,  ce poulpe qui « sort à demi de sa cachette et qui me cherche », cette mer qui reste omniprésente dont les odeurs lui reviennent en mémoire comme ce repas de crevettes de crabes et de patelles.
Ces évocations de sensations d’un passé « archaïque et merveilleusement ingénieux » écartent la reconstitution d’un passé fantasmé comme un désirable paradis terrestre, où se mélangent doryphores et coquelicots.

Dans « L’Enfant et la Guerre » – édité avec « Chanson bretonne » – J.-M. G. raconte les derniers jours de la Guerre 39-45 à Nice est dans ses envirions, là où il vivait avec sa mère, sa sœur, sa grand-mère, en l’absence de son père bloqué au Nigeria. On y retrouve la même alchimie de sensations et de réflexions, les unes nourrissant les autres comme ces montagnards qui ont sauvé des familles juives en les logeant « dans leurs maisons, les ont aidées à vivre alors que tout était difficile. Nous devons, sans doute, d’avoir survécu à leur héroïsme sans faille et sans emphase ».

Ces Chanson bretonne et L’Enfant et la guerre sont de nouveaux exemples de ce qui rend les livres de J.M.G. Le Clézio si précieux : l’alliage d’une relation très sensuelle au monde, à l’air, à la terre, à l’eau, à l’être humain, intimement irriguée par une réflexion historique personnelle approfondie et humaniste, sans une quelconque idéalisation du passé car Le Clézio a un sens très aigu de l’Histoire.

Chanson bretonne (suivi de) L’enfant et la guerre – J.M.G Le Clézio – Nrf Gallimard – 158 pages

JMG Le Clézio – 2020

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