
Dans la banlieue d’Alger, un terrain est depuis longtemps laissé à l’abandon au milieu d’un lotissement inachevé. Une partie en est réservée aux militaires qui sont les seuls à être desservis par des rues asphaltées. Sur ce terrain, les gamins jouent au foot par tous les temps et rêvent d’être champions. Jusqu’au jour où, en février 2016, deux généraux viennent « piquer leur terrain » en décidant que cette parcelle leur appartient pour y construire de belles villas dont les plans sont déjà établis.
Les enfants emmenés par Inès, Jamyl, Mahd, stupéfaits et en colère s’en prennent physiquement aux militaires, encouragés par Adila, une ancienne moudjahida qui avait combattu les Français pendant la guerre d’Indépendance de l’Algérie et dont le fils a été tué pendant la décennie noire des années 90. Il y a aussi Youssef qui rejoint ce combat, malgré l’incompréhension de son père Mohamed, ancien moudjahid de la guerre d’indépendance.
C’est la complexité du combat mené par ces petits qui est narrée dans ce livre, combat entre une jeunesse qui cherche à vivre et des dirigeants qui n’ont que faire des « petites gens ». En plus de ce combat inégal, prometteur mais finalement (pas complètement) perdu de cette jeunesse, Les petits de Décembre décrit avec acuité la stagnation d’une Algérie ankylosée par un régime militaire tout puissant qui confisque la totalité de la richesse du pays face à une jeunesse éduquée, lucide mais laissée à l’abandon.
Les petits de Décembre a été écrit avant l’immense et inattendu mouvement populaire mené par la jeunesse algérienne depuis plusieurs mois. Kaouther Adimi, prémonitoire, écrit dans les pages finales : « Le directeur de la sécurité en est certain, si on n’agit pas au plus vite, tout le pays va se soulever.» Ce n’est pas seulement un coup de chapeau à ces petits mais aussi aux femmes courageuses, inventives, audacieuses, intelligentes, qui portent, avec les petits, le combat pour l’évolution de la société algérienne.
© Kaouther Adimi : « Les petits de Décembre » – Seuil – août 2019 – 256 pages – 18 €
