Face à l’homme blanc – James Baldwin (1948 – 1965) / traduction française 1968 (Gallimard – nrf)

Face à l'homme blanc Huit nouvelles de James Baldwin écrites entre 1948 et 1965. Huit nouvelles plongeant au fond des difficultés allant jusqu’aux pires atrocités subies par le peuple noir qui vit aux États-Unis d’Amérique : pays leader du monde occidental démocratique qui fait référence aux Droits de l’Homme, qu’il bafoue sans vergogne quand il s’agit de sa population noire (et indienne »).

Ces nouvelles sont aussi autant d’incursions dans la vie quotidienne des Noirs, notamment à Harlem, là où Baldwin a vécu jusqu’à son adolescence, sous l’influence des Églises protestantes rassemblées en communautés. Baldwin a déjà évoqué avec force ces lieux de solidarité et de contrôle social, dans son premier livre, « Go Tell It On The Mountain », paru aux États-Unis en 1952, réédité en français récemment sous le titre « La conversion ».

Chacune des nouvelles qui composent « Face à l’homme blanc » évoque, dans une écriture extrêmement forte et réaliste, des scènes de vie d’enfants, d’adolescents, d’adultes face aux contradictions de leur propre milieu, rendues plus criantes quand ils se rapprochent par nécessité du monde des Blancs. Et de leur mise en danger permanente face l’omnipotence de l’homme blanc. Dans une des nouvelles, « La condition préalable », un jeune noir se fait jeter dehors d’une chambre qu’il vient de louer sous prétexte qu’elle est située dans un quartier blanc, avec le sentiment d’être lui-même, parce que noir, responsable de quelque chose de mal : « Ma peau brûlait, de minuscules aiguilles chauffées à blanc s’enfonçaient dans ma chair. Je sentais mon corps sous le peignoir. Et c’était comme si j’avais fait quelque chose de mal, quelque chose de monstrueux, il y avait de cela longtemps, une chose que personne n’avait oubliée et pour laquelle j’allais être tué. »

Dans Blues pour Sonny, le narrateur est  frère de Sonny, pianiste noir, emprisonné pour consommation et trafic de drogue. Le frère se sent loin de Sonny et de sa trajectoire chaotique. Plus tard, quand ils se retrouvent dans un club de jazz, Sonny joue de façon extraordinaire un blues y imprimant toute sa souffrance. Le narrateur, frère si distant, ressent enfin son lien vital avec Sonny.

Les autres nouvelles illustrent de façon variée et très proche du corps, du cœur et du mental de chacune et chacun des personnages qui affrontent les Blancs, parfois de façon symbolique quand ils se mésestiment eux-mêmes face aux Blancs. Ou tout à fait physique quand ils sont l’objet direct de la violence, institutionnalisée ou non, exercée par les Blancs.

Le dernier chapitre décrit, dans toute son horreur, le lynchage et la mutilation d’un Noir dans le Sud des États-Unis et l’attitude des Blancs présents au spectacle dont ils se régalent. Lecture très éprouvante d’un texte qui n’épargne rien.

Pourquoi lire encore Baldwin ? Parce que, avec le récent film de Raoul Peck, « I am not your negro« , le message de Baldwin a repris une force et une actualité évidentes. Parce que le racisme est toujours une plaie brûlante aux Etats-Unis, ravivée depuis l’élection de Trump et qu’il convient de comprendre que le racisme reste profondément ancré dans une grande partie du peuple américain blanc et une menace toujours présente, voire résurgente, en Europe.

Et aussi parce que James Baldwin est un très grand écrivain.

© Face à l’homme blanc (Going to meeet the man) de James Baldwin – actuellement indisponible en français

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