Adèle est journaliste, mariée avec Richard, médecin, mère d’un petit Lucien, et vit comme les jeunes bobos parisiens. A côté – à l’opposé ? – de cette vie de femme où réussite professionnelle semble se conjuguer avec bonheur conjugal, alors qu’avec son mari, « leurs corps n’ont plus rien à se dire », Adèle est sous l’emprise d’une addiction sexuelle qui l’amène à rencontrer foultitude d’hommes pour rassasier des pulsions devenues incontrôlables. « Elle n’aspire qu’à être voulue. » et ressent « ce sentiment magique de toucher du doigt le vil et l’obscène, la perversion bourgeoise et la misère humaine. » Ces deux vies sont étanches l’une par rapport à l’autre. Ou plutôt, sa vie d’épouse, de mère et de réussite professionnelle lui permet de rester « nimbée d’une aura de responsabilité que personne ne peut lui enlever. Elle s’est construit un refuge pour les soirs d’angoisse et un repli confortable pour les jours de débauche. »
Quand son mari découvre sa double vie, il cherche à la guérir comme tout bon médecin et à lui aménager une nouvelle vie, après leur déménagement dans une grande maison à la campagne. Ils ont coupé leurs liens avec leurs vies d’avant, mais parviennent-ils à se comprendre, à se retrouver ?
Leïla Slimani ne mâche pas ses mots. Elle souligne la violence de la situation, la perte de soi-même à quoi mène cette addiction sexuelle incontrôlable, la solitude abyssale de celle qui en est victime et actrice en même temps. Le rythme vif et le ton cru de l’écriture de Leïla Slimani impriment à ce roman une tension qui ne se dément pas jusqu’à l’avant-dernière page. En dehors de toute exhortation morale traditionnelle, l’auteure va jusqu’au bout de son chemin, sans condamnation ni faux-semblant mais constate la descente aux enfers qu’elle dépeint avec une précision d’entomologiste. Il est difficile de ne pas être bousculé par ce livre âpre.
La dernière page accueille la vieillesse comme une issue pour surmonter les tumultes passés. Et offre une belle ode à la patience, « une patience dévote, forcenée, tyrannique. Une patience déraisonnablement optimiste … ». Cette conclusion toute en douceur donne au propos de Leïla Slimani une inattendue touche d’optimisme. Sagesse ou illusion ?
© Dans le jardin de l’ogre de Leïla Slimani, Gallimard, août 2014, 216p., 17,50 €

(c) Helie (Gallimard)
Super d’accord avec toi, Jean-Marie. J’ai adoré ce livre.
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Merci pour le partage.
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