Avant que les ombres s’effacent – Louis-Philippe Dalembert (Sabine Wespieser Editeur)

En 1939, l’État haïtien a voté un décret-loi autorisant ses consulats à délivrer passeports et sauf-conduits à tous les Juifs qui en formuleraient la demande. Et en 1941, quelques jours après l’attaque nippone sur la flotte américaine à Pearl Harbor, ce même État déclarait la guerre contre l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. C’est autour de ces actes politiques peu connus que l’auteur haïtien Louis-Philippe Dalembert a écrit Avant que les ombres s’effacent.

Le livre est construit autour d’un personnage central, Ruben Schwarzberg, qui raconte sa vie à sa petite-cousine venue en Haïti en secouriste à la suite du séisme de janvier 2010. Cette vie est une véritable odyssée à travers les décennies tragiques du XXème siècle et les pays entre Europe et Caraïbes. Intéressante leçon d’histoire et de géographie qui échappe à l’européocentrisme, entre Pologne et Haïti en passant par l’Allemagne, la France, les États-Unis, Cuba, et cette déclaration de guerre à la fois exemplaire et burlesque, donnant à Haïti une place lointaine mais nécessaire de la lutte contre le nazisme. C’est également une description pleine de sympathie de cette famille juive « entre rires et pleurs » dont les membres sont contraints de se disperser entre Europe, Amérique, Israël et Caraïbe pour échapper au nazisme. Tout cela nimbé d’une certaine ironie quand la tragédie n’est pas trop proche.

Pourtant, j’ai refermé ce livre avec une certaine réserve. A côté de personnages réels ou inventés comme la poétesse haïtienne Ida Faubert rencontrée et l’ami américain Johnny, étudiant en médecine comme le héros à Paris, tout le récit tourne autour de son personnage principal, Ruben Schwarzberg, un homme quasiment parfait, qui a toutes les qualités, qui réagit toujours comme il faut devant toutes les épreuves, qu’il soit à Lodz en Pologne, dans Paris occupé par les Allemands, sur un bateau entre l’Europe et Cuba, en Haïti où il devient un médecin adulé et marié avec une merveilleuse haïtienne. C’est même en raison de son attitude exemplaire que Ruben, enfermé à Buchenwald, a fait partie des quelques prisonniers libérés par ordre du Führer à l’occasion de son cinquantième anniversaire…

Pourquoi avoir transformé un homme en héros quasi-parfait ? Pour donner à ce livre le style d’un conte enchanteur ? Dommage, alors, que la plume soit restée singulièrement académique, loin du lyrisme, de la truculence, voire la transcendance qui font tout le génie de la littérature haïtienne.

Louis Philippe D’Alembert

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