Certains romanciers prennent leur temps et ont besoin de nombreuses pages pour dérouler leur écriture, leur intrigue, leur propos. C’est d’ailleurs une tendance de plus en plus forte quand on voit l’épaisseur grandissante des nouveautés à chaque saison littéraire. D’autres vont d’un trait, d’un tir de flèche quasi rectiligne pour atteindre l’épilogue. Dans ce genre, l’écrivain d’origine algérienne Abdelkader Djemaï est un orfèvre.
Le Nez sur la vitre, c’est le regard posé sur l’extérieur pour les passagers d’un car. En l’occurrence, deux cars : celui de l’époque actuelle, un Setra Kassbohrer 215 HD, qui rejoint le long d’une autoroute une ville où un père espère retrouver son fils disparu. L’autre car, c’est un Saviem poussif, avec le même narrateur quand il était enfant. avec son père, il rejoint une ville jamais nommée, mais qu’on devine être Oran, à travers les routes poussiéreuses du douar algérien, hérissées de barrages militaires : cela se passe pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie.
L’auteur joue avec la fausse ressemblance entre ses deux périples à plus de cinquante ans d’intervalle. Il donne une vue perspective du temps qui passe et des époques qui changent. En évoquant les destins personnels, en décrivant la permanence de la destinée humaine, effleurée, touchée, abattue…
L’écriture est minimaliste : phrases courtes, limpides, rapidement descriptives mais évocatrices, sans commentaires, juste les faits, les pensées sèches ou rêveuses, les souvenirs qui sortent de leur gangue, la réalité qui prend sa revanche, implacable. Et une chute simple et brutale.
Abdelkader Djemaï écrit depuis les années quatre-vingt-dix, quand il s’est installé en France, fuyant la longue flambée terroriste algérienne. Ecrivain prolifique mais discret, on ne le voit guère sur les écrans. Mais l’important, c’est de le lire.
