Soudain, seuls – Isabelle Autissier (Stock – juin 2015)

En 2012, après avoir lu 7777523529_soudain-seuls-d-isabelle-autissier-188x300« L’amant de Patagonie », j’avais été heureusement surpris par le talent littéraire d’Isabelle Autissier, ainsi que par la force de sa dénonciation des dégâts entrainés par l’expansion de la société occidentale . C’est donc avec appétit – et un rien de prudence – que j’ai ouvert Soudain, seuls.

Un jeune couple français trentenaire, Louise et Ludovic, part faire le tour du monde en bateau. Une imprudence manifeste les rend prisonniers d’une ile déserte, entre Patagonie et Cap Horn, alors que la mauvaise saison s’abat sur ces Cinquantièmes rugissants. Ils essaient de survivre en attendant un hypothétique secours, avec comme seul bien, un sac à dos. Ils s’abritent dans des bâtiments désertés depuis plus de cinquante ans par ceux qui, depuis le milieu du XIXème siècle, ont exterminé baleines, otaries et éléphants de mer pour envoyer en Europe  « l’or blanc : graisse d’éclairage, lubrifiant pour l’industrie, peaux et fanons, ambre et chair, os… » (page48). Louise et Ludovic s’organisent tant bien que mal pour survivre en se battant contre les rats, en se nourrissant de manchots, oiseaux et poissons, en vivant dans la vermine. Leur relation se détériore. Quand un bateau apparait à l’horizon, l’espoir fou d’être repéré est rapidement anéanti. L’hiver austral arrive, laissant le couple sans espoir de sauvetage. L’un des deux survivra…

Dans la seconde partie du livre, Isabelle Autissier narre le retour à la société, à la famille, à leurs codes à la fois rassurants et tellement pesants, la force des médias pour mettre en scène une histoire en tous points extraordinaire. Puis la tentation de la fuite, et le départ vers une île, une autre île qui donne la force pour retrouver une vie anonyme, à défaut d’être normale sous l’œil toujours présent qui s’est éteint dans le gel implacable des Cinquantièmes rugissants.

Dans les deux parties très différentes de son livre, Isabelle Autissier déploie un art de la narration sans faille, aussi bien dans sa description à la fois subtile et forte des soubresauts de la relation amoureuse et des affres de la solitude dans le froid acerbe de la Patagonie, quand les restes de l’humanité s’évanouissent ; mais aussi dans l’évocation des beautés lumineuses de cette nature effrayante, et celle des tics et pépites plus ou moins avariées de la vie moderne en société. Son engagement pour la protection de la nature s’y trouve encore plus légitime, sa critique de notre monde, encore plus juste.

Soudain, seuls est le livre souvent violent d’une indignée, amoureuse de la nature qui grave en filigrane un discours sur des problématiques essentielles de notre monde d’aujourd’hui.

Isabelle Autissier (photo Ouest-France)
Isabelle Autissier (photo Ouest-France)

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