La photo de couverture et la mention « Qui a tué Roland Barthes ? » sont plus explicites que le titre du livre dont on devine tout de suite qu’il a quelque chose à voir avec la philosophie.
Cinq cents pages de philo ? Certes non, ce livre, s’il aborde quelques aspects de la philosophie de la fin du XXème siècle, peut apparaître, dans un premier temps, comme une sorte de pochade sur les milieux intellectuels et politiques des années 80 décrits souvent avec férocité. Beaucoup de noms encore très connus, d’intellectuels disparus (outre Barthes, on rencontre Foucault, Derrida, Deleuze, Lacan, Althusser…), ou toujours de ce monde, à commencer par les indéracinables BHL et Sollers, qui en prennent plein leur grade.
L’intrigue part d’un événement réel : Roland Barthes, au fait de sa gloire (qui ne l’enthousiasmait guère) est renversé par une camionnette d’une entreprise de blanchissage dans le Vème arrondissement de Paris, en allant au Collège de France. Il meurt après un mois d’hospitalisation. Il sortait juste d’un déjeuner chez les Mitterand (nous sommes en 1980, en pleine préparation des Présidentielles de 1981). Y a-t-il un lien entre ce repas et cet accident et la mort qui s’en ait suivi ? Le Commissaire Jacques Bayard, ancien des RG et de l’Algérie, est chargé de l’enquête et plonge dans le milieu universitaire parisien. Il embauche au débotté un jeune thésard de linguistique à la faculté de Vincennes, Simon Herzog, qui lui permet de pénétrer ce milieu touffu et d’en comprendre le langage et les mécanismes de comportement.
Ce roman est, avant tout, un roman policier. Et c’est ainsi qu’on en savoure le goût, avec toutes les pistes creusées et rapidement rebouchées, les hypothèses plus ou moins savamment élaborées et réduites en cendre, les voyages entre l’Italie en pleines « années de plomb » avec l’attentat de la gare de Bologne, l’université Cornell du nord-est des Etats-Unis où tout le gratin intellectuel américain et européen enseigne et débat. S’y ajoutent de mystérieux Japonais toujours présents aux moments critiques, des personnages secondaires, pas si secondaires que ça comme Slimane, jeune gigolo observateur et insubmersible. L’intrigue policière finit par une pirouette littéraire ébouillantée et réjouissante.
Ce roman est aussi une description des milieux intellectuels et politiques de l’époque – et probablement d’aujourd’hui. On y retrouve tous les ingrédients de la satire sociale et morale, les intrigues et coups bas, les coteries et les manipulations, l’invasion de la sphère politique, les comportements individuels et collectifs de célébrités cherchant ou non à dissimuler des usages plus ou moins acceptés socialement. Cela relève de la critique sociale primaire : les scènes de débauche et autres supposées dépravations, assez convenues, ne sont pas la meilleure part du roman.
Troisième volet : la philosophie. A l’évidence, Laurent Binet connait son sujet, Personnellement, sans y connaître grand chose, je me suis régalé des textes sur la sémiologie chère à Barthes. Même si quelques débats entre spécialistes m’ont dépassé, d’y assister comme lecteur a quelque chose de stimulant comme d’écouter des débats sur les arcanes de l’économie chinoise ou la biologie moléculaire, juste pour le plaisir de se laisser perdre pour découvrir de nouveaux horizons.
Mais ce roman vaut aussi par ses créations littéraires comme cette société secrète où les débats se terminent de façon tranchante, le personnage de la belle et mystérieuse Bianca. Et aussi et surtout, l’auteur parvient à faire de ce commissaire Bayard et de ce thésard Herzog, un couple discordant comme Laurel et Hardy, des personnages romanesques à suivre sans répit dans leurs cheminements et leurs aventures.
Autre atout, et pas le moindre : c’est souvent très drôle.
Et la septième fonction du langage ? Lisez le livre pour en savoir davantage, c’est bien expliqué. Mais se rappeler que quasiment rien n’est vrai dans ce roman échevelé.

On me l’a offert, pensant que cela me concernait (toute ma jeunesse!). Au début, cela m’a amusé. il y a quelques réflexions amusantes sur la linguistique et la sémiologie, puis, vers le milieu j’ai commencé à trouver cela très ennuyeux. Binet accumule les rencontres, les conversations fictives entre des personnages qui, certes, ont été beaucoup commentés dans ces années là mais qui sont plutôt sortis de l’histoire. je me suis demandé qui cela pouvait intéresser, de retrouver les querelles de ménage des Althusser ou les silences de Lacan… Quant à l’intrigue, elle est minime, vaguement rocambolesque et pour tout dire, on préferera lire un vrai roman policier! Et puis, c’est quand même très mal écrit, il s’est pas foulé le père Binet, encore heureux qu’il ait été retiré de la liste du Goncourt assez tôt!
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Ce livre n’a rien à voir avec ma jeunesse. Donc ce que décrit Binet aurait pu être une découverte. Finalement pas tant que ça : les histoires de Foucault dans les backrooms gay, Hervé Guibert, que j’ai beaucoup lu, s’en est chargé…
Ce que j’ai aimé dans ce livre, c’est que, justement,c’est le dézinguage à vue de toute une génération, tout en restant très redevable à ses découvertes intellectuelles. Et je me suis bien amusé.
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