Soyons franc : j’ai failli lâcher ce livre assez rapidement. Non qu’il soit difficile à lire : bien au contraire, le style est alerte, vivant, direct, très « dans l’air du temps ». La narratrice, Blanca, femme de quarante ans, vient de perdre sa mère. Elle semble tout à fait sympathique, intelligente, libérée, maternelle, aimant les hommes, ses enfants et l’humanité entière aussi, probablement… L’essentiel se passe à Cadaquès, l’un des plus beaux villages de la Costa Brava, en Catalogne. C’est l’été, la maison est pleine de monde, ses deux enfants adorables, des amies de longue date, ses deux ex-maris et leurs compagnes, adultes charmants et même pas trop chiants …. Tout ce monde bavarde, fait du bateau, marivaude plus ou moins, s’introspecte. Joli exemple de la classe moyenne supérieure, pas richissime mais sans vrai souci matériel, à part les rides qui apparaissent et quelques soucis existentiels. On se croit dans un film de Claude Sautet. Romy Schneider aurait été parfaite dans le personnage de Blanca.
Mais est-ce que cela fait un bon livre ?
J’ai mis un certain temps à en être persuadé. Joliment écrit avec les tics à la mode, ce récit enfile les clichés post modernes sur l’amour, le sexe, les enfants, dans une atmosphère libérée où les joints rejoignent les amours ou les délitent. Blanca mène « une vie désordonnée et enfantine » qui exaspère parfois son entourage tout en la partageant. Si ce livre n’avait été qu’une description d’un petit pan de notre société repue et libérée, il aurait été vite insupportable..
Mais, avant tout, ce livre est un dialogue entre Blanca et sa mère qu’elle vient d’enterrer. C’est un livre sur le deuil, qui ne verse pas dans l’affliction, les larmes, les remords ou les revanches. C’est un livre pour faire face à la solitude, même quand on est entouré, pour faire face à la perte : « (…) je crois que nous sommes davantage les choses que nous avons perdues que celles que nous avons ». C’est un livre pour comprendre pourquoi c’est la première fois qu’on regarde seul un lever de soleil. Mais « ça aussi, ça passera ». Ce moment de solitude n’est juste qu’une nouvelle étape à passer, à franchir, encore…
Malgré ses facilités, cela vaut le coup d’aller au bout de ce livre pour y recueillir ce qui n’est pas seulement une réflexion sur le deuil, mais une expérience humaine et charnelle dans ce monde où les seuls paradis sont artificiels.
