Un pays pour mourir – Abdellah Taïa (Editions du Seuil)

un pays pour mourirQuel est ce pays pour mourir ?
C’est pourtant le désir de vivre qui habite les personnages de ce livre, avec comme seule solution, quitter leur pays : le Maroc pour Zahira qui s’en va après la mort de son père et vit à Paris en se prostituant. Le Maroc, encore, pour Allal, son soupirant, qui veut la retrouver. L’Algérie, pour Aziz qui a décidé de changer de sexe pour être la fille qu’il a toujours voulu être. L’Iran, pour Mojbata, révolutionnaire homosexuel menacé de mort qui veut se réfugier en Suède et passe par Paris. Et quelques autres personnages vivant dans les franges de la Capitale, pas forcément seuls, car des communautés se forment et se déforment au hasard ou au gré d’une ville à la fois refuge et hostile.

Tous sont venus avec l’espoir insensé de quiconque est forcé de quitter son pays. Ces destins se cognent les uns aux autres, se fracassent parfois, s’entraident souvent, autour du personnage de Zahira, astre solaire dans les bas-fonds de Paris, libre, généreuse et fière… Tous se retrouvent autour d’un Islam populaire très éloigné de la caricature outrancière véhiculée trop souvent en France.

Avec son écriture implacable et dense, faite de phrases courtes et claquantes, de monologues rêveurs ou vengeurs, de dialogues vivants et brûlants, ce livre est construit comme « Les contes des mille et une nuits », puzzle apparemment disparate d’histoires folles pour retarder le moment de mourir. Car on meurt quand l’espoir se transforme en illusions perdues.

Ce livre court et envoûtant délivre un message sombre, même si les phrases d’Abdellah Taïa sont pourvues d’une énergie vitale. Le pays pour mourir, est-ce celui qu’on fuit pour vivre sa vie comme on l’entend ? Est-ce Paris, la France, le pays que l’on rejoint, tombeau de trop d’espoirs ?

L’épilogue du livre est étonnant : dans les années cinquante, Zineb, la tante dont Zahira cherchera en vain à connaitre le destin, abandonnée ou échangée par ses amants français, part suivre les soldats français en Indochine, seul moyen pour rejoindre l’Inde… qui n’est pas le pays pour mourir.

Abdellah Taïa - photo telquel
Abdellah Taïa – photo telquel

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