Deux comédiens – Don Carpenter (Cambourakis)

deux-comediens-couvLa photo de couverture est explicite : toute personne de ma génération peut reconnaitre sans mal le duo américain célébrissime, le chanteur de charme Dean Martin et le comique loufoque Jerry Lewis.  Don Carpenter, LE romancier de Hollywood des années 60 et suivantes (décédé en 1995), s’en est très directement inspiré pour écrire ce roman dont on pouvait attendre le pire, c’est-à-dire complaisance et voyeurisme.

Eh bien, non, heureuse surprise ! On reconnait bien Dean Martin dans le personnage de Jim Larson et Jerry Lewis dans celui de David Ogilvie, le narrateur du livre qui commence dans les montagnes californiennes, havre de paix dans une nature où David passe chaque hiver trois mois de quasi-retraite. Il revient à « L’Anus d’or du Rêve californien ».

S’en suit une description vibrionnante de la vie et des mœurs de l’industrie du divertissement à Hollywood et Las Vegas, entre sexe, drogue et dollar pourvus en surabondance par la célébrité dans cette industrie devenue l’une des plus puissantes du monde. Ce n’est pas le meilleur du livre, car la partie la plus attendue, la plus prévisible d’une réalité déjà décrite dans d’autres livres ou films. Cela permet tout de même de mieux comprendre David et Jim, leur complicité, leurs angoisses, leurs faiblesses et, surtout, la vraie amitié qui les lie, dans un milieu où les sentiments ne semblent être que des décors friables cachant mal sa férocité. C’est ainsi qu’il y a un bel intermède : la mort et l’enterrement dans les montagnes du « papy » de David , où les deux vedettes loin du monde vivent quelque chose de fondamental.

La deuxième partie est focalisée sur la famille Meador, l’une de ses familles qui règnent en puissance jupitérienne sur l’industrie du divertissement qui prend une allure quasi féodale. Le vieux patriarche bâtisseur de cet empire, Max, « qui ressemblait à Gandhi en fauteuil roulant » (page 97) s’en vient à mourir, laissant à Karl, son fils unique, qui assume déjà une grande part de la responsabilité opérationnelle du travail de production, la charge de continuer son œuvre reluquée avec gourmandise par d’autres magnats. Karl est pris d’une panique totale à l’idée d’être le successeur de son père et obligé de réussir au moins aussi bien que lui. Derrière la façade de strass, d’alcool et de plaisir en tous genres, le vertige prend des allures de déroute existentielle mal dissimulée au cours d’un diner où les pétomanes alcoolisés s’en donnent à cœur-joie. Description surréaliste d’une réalité qui ne l’est pas du tout. Don Carpenter n’est plus le chroniqueur d’un milieu qu’il connait trop bien mais celui qui sonde les reins et les cœurs des protagonistes d’une farce rouge et noire.

La troisième partie est tout aussi vertigineuse. Car Jim a disparu ! Le duo doit terminer un film et donné un gala à Vegas. Le lecteur suit les pensées chaotiques de David, ses angoisses, ses  manœuvres pour tenter de conjurer la fin inéluctable. De nouveau, en évitant tout sentimentalisme (la plaie d’Hollywood…), l’amitié entre les deux partenaires est célébrée aux travers d’embûches et d’espoirs déçus.

L’écriture, rapide, nerveuse, très visuelle, très parlée – normal, on est au cinéma ou presque – donne un relief, une vivacité  et un charme étincelant à ce livre qui vaut le coup d’être lu bien au-delà du sujet accrocheur.

Don Carpenter
Don Carpenter

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