Depuis une dizaine de jours, les « Bonnets rouges » font la Une de l’actualité. Mardi prochain, il y aura grève des instituteurs contre la réforme des rythmes scolaires. Y a-t-il un lien entre ces deux événements ? Non, pas UN lien mais TROIS.
Le mouvement des « Bonnets rouges » est une alliance attrape-tout mais dont le centre de gravité se compose des petits patrons d’entreprises de transports routiers et des agriculteurs / éleveurs victimes de la concurrence des pays à bas coûts de main-d’œuvre que les subventions européennes n’arrivent plus à compenser. Autour de ces deux noyaux se sont agglomérés toutes sortes de quidams qui voient l’occasion de porter l’estocade à un gouvernement empêtré dans de grandes difficultés en manquant singulièrement de savoir-faire (et encore plus de faire-savoir). C’est ainsi que l’on a retrouvé dans la rue des opposants au « mariage pour tous » n’ayant pas encore compris que cette réforme sociétale ne sera plus remise en question et des élus des droites dites « républicaine » et « extrême » que l’odeur d’une défaite annoncée des partis gouvernementaux aux prochaines élections – municipales et européennes – enivre déjà. La coagulation de ce cortège se fait sous le drapeau breton, cache-sexe d’intérêts qui représentent bien plus un combat d’arrière-garde qu’une vision prospective ambitieuse pour l’avenir de la Bretagne s’inscrivant dans un ensemble, non seulement national, mais aussi européen. Cela permet de maudire « Paris et ses technocrates », refrain que même les Parisiens ne détestent pas reprendre à leur compte. Donc, sous les « Bonnets rouges », trois ingrédients : une revendication passéiste, un calcul politique et la haine de Paris, capitale arrogante.
Qu’en est-il de la grève des instituteurs contre la réforme des rythmes scolaires qui semble tellement éloignée du mouvement des « Bonnets rouges » ? C’est en lisant le post de Lucien Marbeuf, dans son excellent blog « L’instit’humeurs« , que j’ai découvert les analogies. Lucien explique pourquoi il ne fera pas grève mardi prochain. Trop de récupération par des mouvements douteux, comme le Printemps français, dernier avatar des opposants au « mariage pour tous ». Récupération aussi par la droite alors que c’est sous son règne que les rythmes scolaires ont été déstabilisés. On voit donc l’attelage entre des revendications passéistes et le calcul politique.
Mais en quoi la « haine de Paris » rentre-t-elle en ligne de compte dans ce mouvement ? Lucien, instituteur à Paris, évoque la première grève qui avait été faite en janvier 2013 contre la réforme des rythmes scolaires à Paris. Il l’avait suivie, non pour s’opposer à son principe, mais pour remettre en cause sa mise en oeuvre. Cette grève a été vilipendée comme étant la grève des nantis : les instits parisiens avaient été accusés d’égoïsme, de « corporatisme étriqué lamentable », compte tenu des moyens spécifiques dévolus à l’enseignement primaire dans la Capitale. Les syndicats des autres académies se sont bien gardés de lever le petit doigt, ces « Parisiens » étant décidément trop gâtés.
On retrouve donc ces mêmes trois ingrédients. Je suis très perplexe sur la dynamique qu’ils engendrent. Ils alimentent plutôt la montée d’un corporatisme qui ne demande qu’à resurgir en ces temps où l’avenir est loin d’être écrit.