Pourquoi ai-je préféré remonter la Marne avec Jean-Paul Kauffmann que suivre le Chemin de Saint Jacques de Compostelle avec Jean-Christophe Rufin, tous deux hommes fort estimables ? En fait, ce sont deux livres très différents : celui de Kauffmann est avant tout tourné vers la découverte de lieux et de personnes a priori sans grande originalité mais dont il a su extraire la spécificité et la profondeur en les inscrivant dans l’histoire, la géographie, la sociologie : sa marche est un véritable regard de curiosité et compréhension empathiques vers celles et ceux qu’il rencontre. Le cheminement personnel propre à tout livre de marche n’est finalement pas le plus important.
C’est le contraire avec Immortelle randonnée – Compostelle malgré moi. le livre de Jean-Christophe Rufin. En suivant le « Chemin », il poursuit une expérience personnelle : « Le Chemin est d’abord oubli de l’âme, la soumission au corps, à ses misères, à la satisfaction des mille besoins qui sont les siens. Et puis, rompant cette routine laborieuse qui nous a transformés en animal marchant, surviennent ces instants de pure extase pendant lesquels, l’espace d’un simple chant. D’une rencontre, d’une prière, le corps se fend, tombe en morceaux et libère une âme que l’on croyait avoir perdue. » (page 67).
A cette transmutation de l’âme décrite tout au long du livre, il croise son regard amusé sur la Comédie humaine jouée par les gens rencontrés le long du Chemin, son observation critique sur les lieux traversés, entre la beauté des montagnes du Pays Basque et des Asturies et la laideur des villes dédiées au tourisme de masse sur le littoral cantabrique. Mais cela reste assez superficiel : le regard de Rufin est d’abord tourné vers les transformations de sa propre personnalité : « En partant pour Saint Jacques, je ne cherchais rien et je l’ai trouvé. » (page 169). Et l’on retrouve ce qui devient l’alpha et l’oméga d’une certaine pensée contemporaine : la recherche d’une spiritualité perdue. « (…) par le détour du corps et de la privation, l’esprit perd de sa sécheresse et oublié le désespoir où l’avait plongé l’absolue domination du matériel sur le spirituel, de la science sur la croyance, de la longévité du corps sur l’éternité de l’au-delà. » (page 194). L’inévitable référence au bouddhisme affleure par endroits…
Ma relative déception vient de ce lieu commun qui traverse ce livre, au demeurant écrit dans un style léger et agréable à lire. L’auteur s’adresse directement au lecteur, le prend à témoin, l’interpelle. C’est sympathique. C’est un livre de bonne compagnie. On comprend bien le grand succès qu’il rencontre : qui aurait envie de se priver d’une conversation avec Jean-Christophe Rufin ?
Le hasard a voulu que je finisse Immortelle randonnée Compostelle malgré moi le jour même de la très meurtrière catastrophe ferroviaire survenue à Santiago : le titre du livre a résonné de façon atrocement bizarre…
J’ai entendu Ruffin dans l’émission « La Grande table » sur France Culture, il passait avec Lorette Nobécourt qui, elle, présentait ses deux derniers livres. Evidemment, il n’y en a eu que pour lui, vantard, bavard. Lorette le laissait parler… elle n’a pre’sque pas pu en placer une et quand elle a pu vaguement dire quelque chose, Ruffin avait l’air de s’en contrefoutre royalement… donc évidemment, je ne vais pas lire son livre 😉 !!
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Rufin se prend à son propre piège de vedette des médias : c’est dommage car ce n’est pas un mauvais bougre, comme on dirait à la Réunion. Mais à force d’être célébré, il s’auto-célèbre. Son livre a l’agrément des conversations d’après-dîner, avec un verre de gnôle…
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Retrouver Rufin, est toujours un grand moment de lecture. J’ai avalé ce livre à la recherche de l’écrivain que nous connaissons. Les passages où je l’ai retrouvé sont trop éphémères. J’apprécie son authenticité qui ne m’invite pas à emprunter ce Chemin riverain.
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