Marée basse, marée haute a été publié par Gallimard trois mois après la mort de son auteur, J.-B. Pontalis. J’aimais le voir lors de ses quelques interviews à la télévision où, avec bonne humeur et un certain détachement, il évoquait son travail de psychanalyste ou bien Sartre dont il fut l’élève. Il émanait de lui la chaleur réconfortante d’un âtre dans lequel une bûche se consume doucement.
Marée basse, marée haute est un ensemble de textes courts, ne dépassant pas sept pages, qu’il a laissés avant de partir. Savait-il qu’il allait mourir peu de temps après les avoir écrites ? Il évoque des souvenirs personnels, certains de ses amis, certains de ses patients, de façon parfaitement anonyme, pour aborder en douceur des sujets graves et fondamentaux : la mort, l’amour, la vieillesse, la jeunesse, la place que l’on croit prendre, celle que l’on peut rater… Cela pourrait être un exercice facile du style « Où suis-je ? Où vais-je ? D’où je viens ? ». Mais, loin de tous clichés ou prêches, ces portraits que l’on croirait tracés à l’encre de Chine, grâce à son écriture d’une élégante simplicité, délivrent une tendresse attentive pour notre humanité en déshérence (j’avais envie d’écrire « déserrance », du verbe errer) et une réelle empathie qui m’a rendu la lecture de ce livre particulièrement euphorisante et, finalement, apaisante.
Trouver un fil rouge, à part la psychanalyse, dans ce recueil de textes semble difficile. Ce sont des vies calmes ou des humeurs changeantes, un émoi d’un instant et le survol d’une vie, les destins plus ou moins chaotiques mais qui recèlent une cohérence que (seule ?) la psychanalyse peut aider à déceler par des questions lancinantes. « Se sentira-t-il toujours un imposteur, un usurpateur, celui qui occupe la place d’un autre ? » (page 103). Et quelques pages plus loin : « (..) pourquoi n’a-t-il pas trouvé sa place ? Et cette interrogation se double de celle-ci ; pourquoi, nous autres, tenons-nous tant à en occuper une ? » (page 113)…
J’ai refermé ce livre en me demandant si la recherche du temps perdu n’était pas aussi et surtout la recherche d’une place perdue… C’est le genre du livre qu’il faut acheter sous sa forme papier, et non électronique, pour pouvoir y revenir au gré de sa fantaisie et y rechercher en le feuilletant des réflexions pour mieux comprendre les autres … et soi-même.