Rue Darwin – Boualem Sansal (Gallimard)

Boualem Sansal n’a de cesse de débusquer des secrets bien gardés enfouis dans une histoire familiale très complexe étroitement mêlée à celle de l’Algérie. Dans « Le village de l’Allemand » (Gallimard),il reliait d’un fil noir trois périodes de l’histoire récente et contemporaine où la haine de l’autre fait des ravages : la Shoah, les massacres des années 90 en Algérie, la main mise actuelle des fondamentalistes dans certaines cités de banlieueDans « Rue Darwin » (Gallimard), il essaie de dénouer l’écheveau de ses origines familiales où les notions mêmes de filiation, de maternité, de paternité explosent dans les éclats d’une histoire enracinée dans les décombres de la colonisation. Il brouille les apparences de la notion du Bien ou du Mal, il plonge jusqu’au cou dans les eaux noires d’une histoire dont les plaies restent encore ouvertes de part et d’autre de la Méditerranée. Parfois je me demandais où l’auteur pouvait-il aller chercher de tels événements, évoquer de tels personnages parfois monstrueux. Pourtant il semble bien que tout cela vienne très directement de sa propre enfance…
Seule issue, l’émigration ? Je ne pense pas que cela soit le message de base de Boualem Sansal, même si les silhouettes de frères et sœurs éparpillés dans le monde entier avec des situations enviables, voire brillantes, suggèrent que la paix et la réussite peuvent se trouver dans l’exil. Mais le plus jeune s’est perdu dans les montagnes du terrorisme international. Et il en manque un autre, qui est mort à Paris. C’était le seul frère de sang…

Boualem Sansal alterne réflexions tragiques sur le sort de ce monde et le sien, descriptions crues et dures comme le soleil de midi sur les douleurs et les perversions; évocations sensibles de celles et ceux qui le sont, nostalgie d’une enfance tout de même préservée dans le quartier populaire de Belcourt, à Alger. C’est un livre tentaculaire, qui jette des pistes de tous les côtés au risque de perdre le lecteur dans le dédale de ces parcours erratiques. Pourtant, il faut poursuivre jusqu’au bout la lecture de ce portrait baroque et étourdissant de notre époque qui balance entre l’écœurement et la fascination…

Boualem Sansal réaffirme son ambition de décrypter l’histoire tumultueuse de son pays pour le prévenir, autant que la force de son écriture le permet, des dérives du népotisme, du despotisme et du fondamentalisme. 

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