La violence de la rue et la légèreté des rêves

A Bombay, Chamdi, dix ans, décide de quitter l’orphelinat pour retrouver son père qui l’y avait déposé à sa naissance. Il erre dans les rues, et rencontre Sumdi et Guddi, frère et sœur, qui y vivent depuis longtemps avec leur mère. C’est avec eux qu’il apprend les règles impitoyables de la rue étroitement contrôlée par des parrains cruels. Pour y survivre après l’enfermement protecteur de l’orphelinat, Chamdi peut compter sur son extrême maigreur qui lui permet de se faufiler partout et ses jambes qui le font courir très vite. Et une imagination qui fait miroiter les couleurs de fleurs de bougainvillées et rêver à une ville enchantée bien loin de Bombay. On est en 1993, au moment où la tension devient extrême entre hindous et musulmans. Chamdi en sera le témoin et l’acteur involontaire.

Le chant de la cité sans tristesse de l’écrivain indien Anosh Irani (Editions Philippe Rey) est un livre où le lecteur est violemment frappé, dans tous les sens du terme, par l’extrême dureté de la vie dans les rues de Bombay aggravée par la terrible tension politique et religieuse dont l’Inde a souvent été le théâtre dans son histoire. C’est parfois insoutenable. Pourtant j’ai continué jusqu’à la dernière ligne presque d’une traite tellement Anosh Irani a donné à son personnage principal, Chamdi, une densité humaine et même poétique dans des scènes oniriques, véritable respiration qui n’altère pourtant pas l’âpreté du récit, voire qui la renforce encore par contraste…

En réussissant ce mélange risqué entre l’ultra-violence de la rue et l’indispensable légèreté des rêves, Anosh Irani donne un livre qui aurait mérité bien davantage que le mutisme quasi-complet qui semble l’avoir accueilli en France en 2007.

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