La demoiselle des tic-tac – Nathalie Hug (Calmann-Lévy)

Cela commence par une scène de bombardement, fin 1944 quand les Alliés repoussent l’armée allemande hors des frontières françaises. Rosy, dix ans, la narratrice du roman, vit en Lorraine, dans la partie qui a été rattachée au Reich entre 1871 et 1918 et où les conditions de vie sont restées correctes pendant l’occupation allemande de 1940 à 1944.
Les bombes frappent la maison de Rosy. Elle se retrouve bloquée dans la cave de sa maison avec comme seule compagnie, Cosette, une petite poule qui la suit partout, et des araignées aux longues pattes qu’on appelle tic-tac. Rosy essaie d’organiser son enfermement qu’elle espère passager. Elle ne sait pas où est sa Mutti. En attendant les secours, elle pense et songe.

Nathalie Hug, n’a jamais fait dans le style bisounours, seule ou en duo avec Jérôme Camut. Avec La demoiselle des tic-tac, elle écrit un livre très dérangeant car Rosy, dont on partage la vie et les réflexions, les souvenirs et les espoirs, fait partie du camp adverse, celui des Allemands admirateurs d’Hitler. Son livre de chevet est Mein Kampf. Sa longue claustration est donc narrée de son point de vue, avec les préjugés, les sentiments, les opinions, le « vécu » d’une gamine qui partage l’idéologie nazie parce qu’elle veut être fière d’être allemande. Sa famille est traversée elle-même par la haine entre Français et Allemands. Il lui manque son père, parti du foyer quand elle était toute petite pour aller vivre avec une « négresse », elle vit dans la même maison que sa grand-mère, sa tante et sa cousine, restées françaises. Elle pleure le départ Eddy, son oncle. Elle s’évade parfois dans la forêt avec son ami Andy.

Ce livre est un huis clos dans cette cave, éclairé ou assombri, c’est selon, par ses souvenirs, ses rêves, ses espoirs. En même temps, en bonne Allemande, elle cherche à gérer au mieux l’épuisement de la nourriture et de la boisson qui lui sont indispensables. On partage ses longues élucubrations et ses souvenirs marqués par une ambiance familiale, lourde et conflictuelle, pétrie de haines et de secrets. La couleur très funèbre de ce récit s’épaissit au fur et à mesure de l’affaiblissement progressif de son espoir. C’est suffocant quand les vivres s’épuisent alors qu’elle vient de faire une découverte qui pourrait lui changer sa vie. Elle s’apprête à mourir en priant Adolf comme on prie Dieu. Jusqu’à quand ?

Oui, ce livre est dérangeant par sa noirceur de plus en plus extrême, par l’ambiguïté totale de celle dont on suit les tourments venant d’une famille plus que déchirée et les espoirs attendus du pire dictateur de l’histoire contemporaine. Je n’ai pas vu, de la part de l’auteur, une quelconque complaisance à l’égard de l’idéologie nazie, mais juste une description vertigineuse de ce qu’une gamine de dix ans avait pu penser à cette époque…

Ce livre est dérangeant, et très bien écrit. Ce sera difficile de l’oublier …

4 commentaires sur “La demoiselle des tic-tac – Nathalie Hug (Calmann-Lévy)

  1. En toute modestie, je dois avouer que je ne connaissais pas Nathalie Hug avant de lire « La demoiselle des tic-tac » : je vais me précipiter pour lire « L’Enfant-rien » et ses livres écrits avec Jérôme Camut !

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    1. Votre commentaire me touche beaucoup : je ne cherchais à vous faire plaisir, juste à partager celui que j’ai eu en lisant « la demoiselle des tic-tac ». Mais la reconnaissance de l’auteur(e) est une expérience étrange et… très agréable !

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