2011-2012, une belle saison cinématographique

Plus de 60 films vus en salle pendant cette saison 2011-2012, sans compter les mois de juillet et août pendant lesquels je ne vais pas au cinéma ou si peu. Je ne compte pas, non plus, les films vus à la télé ou en DVD, la salle obscure restant pour moi le seul vrai endroit où je peux vraiment apprécier un film … et aussi dormir profondément !
Sans relire la liste de tous ces films, c’est Le Havre de Aki Kaurismäki, qui m’est tout de suite venu à l’esprit comme étant mon film préféré de l’année. Film discret, pourtant, avec tout de même près de 500 000 entrées en France. Pourquoi ce film est-il resté tellement ancré dans ma mémoire ? Je pense que sa profonde poésie, le décalage de son ton, l’humour sous-jacent et la tendresse du regard du réalisateur font de ce film dont le sujet ne prête pas à rire, un chef d’œuvre d’art cinématographique : comment parler de notre monde et de la condition humaine avec empathie mais sans complaisance, avec émotion mais sans apitoiement, avec dignité mais sans distance, ce sont toutes ces qualités qui font de Le Havre un film hors du commun.
Pas loin derrière, L’Exercice de l’Etat, de Pierre Schoeller, m’a aussi enthousiasmé. De facture plus classique que Le Havre, la netteté de la mise en scène, la rigueur de la narration, la richesse du scénario en font le meilleur film que j’ai vu depuis longtemps sur la politique, le pouvoir et tout ce qui tourne autour. Il se trouve qu’au même moment sortait Les marches du pouvoir, réalisé par George Clooney, film agréable à regarder mais assez convenu.
Le troisième film sur mon podium personnel a été plus difficile à choisir. Car, au-delà du souvenir qu’il en reste dans ma mémoire, un film doit porter un regard très personnel sur le sujet qu’il aborde. C’est pour cela, qu’après maintes réflexions, j’ai choisi Le Cochon de Gazade Sylvain Estibal, regard drolatique et perçant sur la vie dans la Bande de Gaza : il fallait oser faire, et réussir, un film aussi drôle sur l’une des pires situations politiques actuelles.

Pas de films américains sur ce podium… Pourtant il y en eu d’excellents, Drive, de Nicolas Winding Refn, thriller hyper efficace où la voiture est autant un refuge qu’une arme, Take Shelter de Jeff Nicols, où l’on ne sait plus si la fin du monde est fantasme ou réalité, Millenium où David Fincher a réussi à rendre totalement justice au livre de Stieg Larsson. En revanche, j’ai été déçu par les derniers opus des grands réalisateurs américains, Edgar de Clint Eastwood dont le classicisme formel commence à m’ennuyer et, surtout, Cheval de guerre de Steven Spielberg qui gâche son immense savoir-faire de réalisateur dans les boursouflures de ses effets larmoyants et saint sulpiciens.
Dans les films anglophones, outre le dernier Cronenberg, Cosmopolis, fascinante dérive d’un golden boy, que j’ai préféré à l’académique Dangerous Method sur les pères de la psychanalyse, je retiens deux films majeurs, Shame de Steve McQueen où Michael Fassbender campe un sex addict sans rémission, et le glaçant We need to talk bout Kevin de Lynne Ramsay où Tilda Swinton est une mère qui ne parvient pas aimer son enfant. Dans un autre style, Week-end raconte de façon sensible et juste les hésitations amoureuses d’un couple gay.

Cette année, il y eu de nombreux portraits de femmes dans de très bons films, en victimes ou héroïnes ou les deux fois, montrant ainsi qu’elles sont les meilleurs témoins des crises morale et politique de notre monde : en Russie, avec Portrait au crépuscule, d’Anguelina Nikonova et Elena d’Andreï Zviaguintsev, en Allemagne de l’Est, avec Barbara, de Christian Petzold, dans les pays arabo-musulmans, avec le touchant et drôle Et maintenant on va où ? de Nadine Moretti, le crépusculaire Sur la planche, de Leila Kilani, le radical Les femmes du bus 678, de Mohamed Diab, ainsi que l’étonnant La seconde femme, du turc Umut Dag.

Et aussi en France avec des films aussi différents que L’Apollonide de Bertrand Bonello, Louise Wimmer, de Cyril Menneguin, Elles de Malgorzata Szumowska, Polisse de Maêwenn…

Des films comiques ? Bien sûr, Intouchables d’Olivier Nakache et Eric Toledano, au succès bien mérité, Sur la piste du Marsupilami du toujours efficace Alain Chabat, Le Grand Soir du duo iconoclaste Benoît Delépine, Gustave Kervern mais aussi Mon pire cauchemar de Anne Fontaine, jouant sur l’opposition évidente entre Isabelle Huppert et Benoît Poelvoorde, et le très confidentiel La Fée, du trio surréaliste belge Bruno Romy, Fiona Gordon et Dominique Abel . Quant à l’oscarisé The Artist, c’est une habile copie des comédies musicales américaines des années 40 et 50, certes très agréable à regarder mais sans atteindre, et de loin, les originaux.
Il a eu d’autres films français, « qualité française » contemporaine, qui se regarde sans déplaisir mais sans surprise comme La Femme du Ve, de Pawel Palikowsky, L’Art d’aimer, d’Emmanuel Mourret, Parlez-moi de vous, de Pierre Pinaud, A l’aveugle, de Xavier Palud, sauvé par le duo Lambert Wilson – Jacques Gamblin.
En revanche, certains autres films français ou européens abordent crânement des sujets brûlants : des sujets sociaux, comme dans La Désintégration, de Philippe Faucin, prémonitoire de l’affaire Mohamed Mourrah (même si le réalisateur récuse ce rapprochement), Possessions, de Eric Guirado opposant dominés et dominants, Les Lyonnais, d’Olivier Marchal sur les liaisons dangereuses entre police et malfrats. Sans oublier le belge Bullheadde Michael R. Roskan, drame humain terrible dans le contexte étouffant de trafic d’hormones dans les élevages bovins, où Matthias Schoenaerts commence une belle carrière d’acteur confirmée par le couple étonnant qu’il forme avec Marion Cotillard dans le magnifique De rouille et d’os, de Jacques Audiard..
Cela fait maintenant trois semaines que je n’ai presque pas mis les yeux dans une salle obscure. Pourtant ce début d’été ne manque pas d’attrait avec The Deep Blue Sea, du Britannique Terence Davies, et Holy Motors, de Léo Carax… Mais étant à proximité de Paimpol, dotée d’une salle « Art et Essai » à éclipse, c’est nettement plus compliqué de voir ce genre de film. Suis quand même allé voir Madagascar 3 avec mes petits enfants …

3 commentaires sur “2011-2012, une belle saison cinématographique

  1. D’accord avec toi pour « Le Havre », mais les autres… je suis moins enthousiaste (en particulier « le cochon de Gaza » m’a déçu, j’y vois plutôt une gentille galéjade… En revanche, tu ne parles pas de « L’enfant d’en haut » (très beau film suisse, d’Ursula Meier), ni du cinéma asiatique, or j’ai vu récemment un excellent « Matins calmes à Séoul » qui nous rappelle les plus beaux jours de la nouvelle vague… je ferai un billet sur ce film, dès que j’en ai le temps!

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    1. Jj’ai vu « l’enfant d’en haut », que j’ai beaucoup aimé… et que j’ai oublié dans mon énumération, comme bien d’autres films. Quant à « Matins calmes à Séoul », je me suis copieusement ennuyé en essayant de regarder ce film « rohmérien » ce qui n’est pas, pour moi, une référence très engageante : heureusement que la nouvelle vague ne se résume pas à Eric Rohmer !
      Alors que j’ai beaucoup aimé le cinéma asiatique, en particulier hongkongais et coréen, j’ai l’impression qu’il perd son inventivité et ne fait que ressasser les recettes d’il y a une dizaine d’années.

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