Leçon de peinture

Dans une courte exposition au Centre Pompidou, qui se termine très bientôt (le 18 juin),  Paires et Séries montre combien Matisse n’a cessé de doubler, de répéter, de reprendre, d’opposer à partir d’un même sujet. Il en confronte ainsi plusieurs visions dans un laps de temps très court. Ses séries ne sont pas le résultat d’une évolution dans un temps long sur un même sujet mais celui de sa volonté créatrice de rebondir immédiatement pour explorer d’autres approches et se réinventer sans cesse : tout au long de sa longue carrière de peintre, Matisse n’a jamais cessé de chercher différentes manières de créer.
En voici quatre exemples parmi les dizaines qui peuvent être vues dans cette exposition.

Cela pouvait être à partir d’un même point de vue, avec un cadrage semblable, comme le montre la série des trois tableaux du Pont St Michel, peints en 1900 -1901. A partir d’une perspective presque identique, le travail est tout à fait différent. L’un d’eux (le premier peint ?) reprend le style impressionniste, devenu déjà le classicisme de l’époque, entre Marquet – avec qui il partageait cet atelier -,  Pissarro, Sisley ou le Monet des années 1870. Les deux autres tableaux n’ont plus rien à voir : celui avec le vert du pont et des berges est déja un bras tendu vers le cubisme ; l’autre flotte entre une abstraction onirique rappelant presque Odilon Redon et quelques souvenirs du pointillisme de Seurat et Signac. Quel que soit celui des trois tableaux que l’on préfère, leur exposition conjointe montre le travail de décapage de l’artiste.

Autre exemple encore plus spectaculaire du même procédé, les deux tableaux peints en 1914 de Notre-Dame de Paris. En partant d’une version figurative tellement légère qu’on pourrait croire qu’elle a été faite au pastel, Matisse a réalisé une autre version d’une radicalité totale, qui tend vers l’abstraction.

Dans d’autres cas, Matisse recompose le tableau, en prenant les mêmes élèments mais en les disposant différemment, comme dans ces deux tableaux, Les Marguerites et Liseuse sur fond noir, qui datent de 1939. A partir des mêmes éléments, il renouvelle complètement son tableau, tout en gardant le fond noir, comme repère essentiel.

L’exposition se termine sur la série la plus connue, celle des Nu bleu, réalisée  deux ans avant sa mort. Ces quatre découpages, dans leur extrême et apparente simplicité, offrent un exemple éblouissant de l’art de la variation en peinture. Et sonnent comme une ébauche de la peinture du mouvement, une sorte de dessin animé, si je peux me permettre cette comparaison plutôt décalée…

Pour le très modeste peintre amateur que je suis, c’est une véritable leçon : ne pas hésiter à revenir et revenir sur les mêmes thèmes en essayant de changer de point de vue, ne serait-ce que celui qui découle de l’état d’esprit et du moment où l’on peint, qui permettra peut-être d’ouvrir une porte oubliée ou inattendue.
Et laisser la place à l’imprévu…

 

 

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