Dans la peinture traditionnelle chinoise, les paysages chinois représentent généralement des montagnes escarpées dans les nuages au milieu desquels dégringole une cascade ou coule une rivière. Cette alliance entre deux éléments, la montagne et l’eau, s’appelle le Shanshui. L’homme y a une place, toujours modeste, la nature étant la véritable divinité ou, du moins, la puissance absolue à la fois protectrice et dominatrice. Je me rappelle avoir admiré sans réserve de très beaux exemples de cette peinture lors de l’exposition Montagnes célestes qui s’est tenue au Grand Palais en 2004.
En flânant à la recherche de galeries dans le Haut Marais, quartier encore peu fréquenté entre République et Arts et Métiers, je tombe sur la galerie Paris-Beijing, consacrée à l’art contemporain asiatique en général, chinois en particulier. A travers la vitrine, je vois de grands tableaux en noir et blanc, souvent à l’horizontale, qui semblent être une réplique moderne du Shanshui. En regardant de plus près, la présence humaine y est plus affirmée, les personnages plus grands, avec un contraste plus prononcé. A l’évidence, ce n’est pas de la peinture traditionnelle mais de la création numérique. D’encore plus près, les montagnes ne sont pas des montagnes, mais des amoncellements d’immeubles tels qu’on les trouve maintenant dans toutes les grandes villes chinoises. Ils sont entrelacés d’autoroutes surchargées. Le profil des grues remplace celui des arbres. La ville a chassé la nature dans laquelle l’homme était intégré. Maintenant il a voulu être le vainqueur. Une victoire en forme de suicide ?
L’artiste qui a créé tous ces tableaux s’appelle Yang Yongliang. Il est né à Shanghaï en 1980. Il a appris la peinture traditionnelle chinoise et la calligraphie auprès d’un des maîtres les plus respectés en la matière. Il est aussi photographe. En intégrant ces techniques modernes pour détourner la calligraphie, il témoigne du bouleversement dont il est témoin. Il en trace les dangers. » Si j’aime la ville pour son côté familier, j’ai peur de la rapidité stupéfiante à laquelle elle grossit et englobe l’environnement… »
Le message est clair, mais son art n’est pas seulement militant, il est à la fois la liaison et la contradiction entre l’art traditionnel et l’art moderne. Ce n’est pas du pastiche, c’est une création d’une tension tellurique entre le passé et l’avenir.
C’est extrêmement troublant. C’est également magnifique.
Je découvre par hasard (vu ton passage sur mon blog aujourd’hui) que tu as changé d’hébergeur : l’impression d’espace, nettement agrandi, est dorénavant à la mesure de tes billets !
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