De Bernard Chambaz, je ne connaissais que Martin, cet été (Editions Julliard), récit au scalpel de la mort de son fils, que j’ai lu il y a longtemps sans presque reprendre ma respiration, le ventre noué par la douleur insupportable d’un père dont le fils meurt…
Depuis, je n’ai pas osé ouvrir un autre livre de lui, bien qu’il me semblait être un écrivain intéressant, tellement mon ventre se tordait de nouveau en pensant à Martin.
J’ai sauté le pas en ce début d’année, en prenant à la bibliothèque Plonger, chez Gallimard, attiré par l’énigmatique photo de couverture, un but de football avec son gardien accoudé au poteau droit. Mais les premiers mots du livre m’ont fait replongé dans l’abîme de la mort d’un enfant, Lara, la fille du personnage principal du livre, Robert Enke, gardien de but allemand à la carrière internationale mouvementée. N’étant pas connaisseur en football, je n’avais jamais entendu parler de ce gardien et ne savait rien de sa vie. Je me suis d’ailleurs demandé pendant une bonne moitié du livre s’il n’était pas un personnage de fiction. Il a bel et bien existé : Robert Enke s’est suicidé le 10 novembre 2009.
Du coup, ce livre prend une autre dimension, profondément dérangeante : celle de l’omniprésence de la mort, celle de Martin, le fils de Bernard Chambaz, de Lara, la fille de Robert Enke, de Robert Enke lui-même. Je l’ai lu comme si je voyais le visage de Bernard Chambaz (que je ne connais absolument pas) me dévisageant pour déceler jusqu’où j’allais être capable de le suivre sur ce chemin mortuaire. J’avais l’impression d’être pris, demi-épouvanté, demi-fasciné, au piège de son histoire.
Lui-même n’a-t-il pas écrit ce livre comme un reflet de sa propre détresse et de ses possibles tentations de mettre fin à ses jours, en tressant une connivence personnelle avec ce gardien de but suicidaire ? D’ailleurs, ce livre a été publié dans la collection L’un et l’autre dont l’objet est « un dialogue, un jeu de va-et-vient constituant une connivence entre l’auteur et son objet, le propre de l’un se nourrissant de la fiction et de la quête de l’autre. » Le lecteur ne cherche-t-il pas aussi une connivence avec le sujet du livre, son personnage et son auteur ?
De qui, de quoi me suis-je senti si près en lisant Plonger ?
Dans quoi pouvais-je plonger ?