Au hasard des livres empruntés à la bibliothèque de la Ville de Paris ou des suggestions de ma libraire de Paimpol, je suis souvent tenté de lire un certain nombre de « petits » livres, petits en nombre de pages, petits aussi en notoriété. Ces derniers temps, la pêche aux bonnes surprises a rarement été miraculeuse, à l’exception notable du livre d’Annie Ernaux, L’autre fille, dont j’ai déjà parlé.
Premier poisson rejeté à la mer à peine pêché, « Le Pays de l’absence » de Christine Orban, paru chez Albin Michel. Pourtant le sujet était intéressant, la longue noyade de sa mère dans la maladie d’Alzheimer. Au vu de la multiplication de « Je » dès les premières pages, je me suis senti prisonnier d’un narcissisme qui tenait davantage de la chronique dans un hebdomadaire féminin que d’une réflexion originale sur l’étrange bouleversement quand on sent que l’on devient le parent de ses propres parents. J’ai lâché ce livre à la troisième page. Peut-être ai-je eu tort …
Deuxième livre non fini, « Le Signal » de Ron Carlson chez Gallmeister. Je voulais essayer de me « racheter », en quelque sorte, de ne pas avoir apprécié Sukkwan Island, de David Vann qui a pourtant rencontré un grand succès, tant critique que public. Le Signal appartient à la même veine du roman contemporain américain, celui du suspense dans les régions glaciales de nord de l’Amérique. Peut-être suis-je allergique à cette veine, mais le livre m’est tombé des mains au bout de 150 pages.
Troisième livre non fini, Le Fantôme du fauteuil 32, de Nathalie Rheims (Ed. Léo Scheer). Le sujet était pourtant attirant : une sorte de roman policier à la Gaston Leroux sur la malédiction vraie ou supposée qui pèse sur l’occupant du fauteuil 32 à l’Académie française, Malgré la description détaillée et caustique des usages de ce monde, je me suis endormi au milieu du livre, le style de l’auteure manquant singulièrement de vivacité.
En revanche, j’ai fini Poète et paysan de Jean-Louis Fournier (Stock). Cette histoire, plutôt pitoyable, de cet étudiant qui veut devenir paysan par amour, bénéficie du style brillant et du sens de la formule de Jean-Louis Fournier qui a fait tant merveille dans le livre « coup de poing » et dramatique, Où on va papa. Là, pas de drame, il s’agit juste d’une bévue, dressant au passage un portrait savoureux d’un certain type d’agriculture, entre ciel plombé et betterave.
Quatre villes profanes et un paradis de l’écrivain d’origine cubaine Eduardo Manet (Editions des Busclats) regroupe cinq récits qui se déroulent à Boston, Agadir, Londres, dans le Pays basque et dans un village indien plus ou moins imaginaire. Ces courtes nouvelles sont farcies de fantaisie et d’imagination, qualités souvent présentes dans la littérature sud-américaine. On est souvent aux franges de l’absurde. J’ai beaucoup aimé.
Eric Fottorino, ancien patron du Monde, est aussi un écrivain reconnu. Je n’ai pas lu L’homme qui m’aimait tout bas au sujet de ses deux pères, mais j’espère rattraper ce retard prochainement. En revanche, j’ai lu son dernier opus, Le dos crawlé, édité chez Gallimard. Cette histoire d’un amour de pré adolescents et d’une initiation sexuelle qui laissera un goût amer, est bien écrite avec un évocation très sensible du Royan des années 70. Mais la fabrication artificielle d’une fin tragique n’est qu’une lourde pirouette.
Le plus intéressant de ces petits livres est La lune s’enfuit, du finlandais Rax Rinnekangas (Editions Phébus) publié dans son pays il y a une vingtaine d’années mais traduit en français en 2011. Cela se passe en été, durant la moisson… S’imagine-t-on qu’il y ait une lourde chaleur en Finlande, même en été…? Trois préados participent à cette moisson dans une ambiance emprunte d’une religiosité maladive et obscurantiste. Mais ils partagent un jardin secret… L’un d’entre eux meurt dans un stupide accident dans des circonstances qui peuvent prêter à confusion. Les deux autres tentent d’échapper à la culpabilité et aux ambiguïtés de leur environnement mortifère. L’intrigue est originale, l’écriture est claire et limpide. C’est excellent.
Est-ce dans les eaux de la Baltique que la pêche aux bons livres est la meilleure ?
laisser tomber un livre au bout de 150 pages, j’appelle ça presque l’avoir lu… 🙂
et le Goncourt? Tu devrais essayer, très bon cru, cette année.
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Au bout de 150 pages, rien ne sert de courir, il faut s’arrêter à point.
Le Goncourt ? Le sujet semble passionnant mais il parait que c’est écrit avec un gourdin…
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oui, la pêche, le presque hasard pour tenter de sortir des carcans, un sport qu’il faut pratiquer de temps en temps
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