« The Radiant Child » (traduction française approximative « L’enfant radieux ») est le nom du film que Tamra Davis a réalisé sur Jean-Michel Basquiat. Je regrette de ne pas l’avoir vu quand il est sorti à Paris au mois d’octobre dernier car je suis allé visiter l’exposition consacrée à Basquiat, qui se termine dimanche au Musée d’Art Moderne de Paris. J’en sors ébloui et sonné.
A vrai dire, je partageais les plus stupides clichés sur Basquiat : je le prenais pour un taggueur new-yorkais poussé en graine et soutenu par des marchands qui avaient senti qu’ils pouvaient gagner beaucoup d’argent grâce à cet homme au charme insolent et à son oeuvre tellement emblématique de l’ambiance frénétique et sulfureuse de Manhattan des années 80. Même l’adulation récente dont il est l’objet m’exaspérait : je n’y voyais qu’un snobisme propre à exciter la foule parisienne en cet hiver sombre et tristounet. Mais en pénétrant dans l’espace (bondé !) de l’exposition, je n’ai pas mis longtemps pour baisser la garde et être submergé par la force, la violence, la profondeur et la beauté de toute son oeuvre. Et sa stupéfiante liberté !
Ses premiers tableaux découlent effectivement des graffitis qu’il éparpillait dans Manhattan avec son ami Al Diaz, sous le nom de SAMO (« Same Old Shit »). Toute son oeuvre sera parcourue de symboles comme la couronne, le signe « copryright » et autres totems et flammes proches du culte vaudou (Basquiat était haïtien par son père), mais aussi de mots, phrases, noms venus tout droit du monde de la rue et de ses obsessions. Rapidement, ses tableaux se construisent, s’organisent et deviennent des compositions très structurées, souvent de grande taille, sur des supports très hétéroclites. Ils prennent parfois la forme d’un long déroulé où figurent symboles, mots,
signes, dessins, peintures pour donner sa vision d’une histoire, comme dans le magnifique « Undiscovered Genius of Missisipi Delta », tableau lyrique inspiré par l’histoire de l’esclavage.
Les couleurs, dans un apparent désordre, explosent mais donnent avec justesse le climat : par exemple, le bleu et noir de « Slave Auction » (enchère aux esclaves), le vert parsemé d’éclats couleur jaune et brique de « Zydeco » (genre musical apparu en Louisiane dans les années 30 dont l’instrument principal est l’accordéon). D’autres tableaux sont mono ou bicolors.
Cette exposition m’a donné l’impression d’une course-poursuite derrière un artiste qui laissait quantités de petits cailloux et grosses pierres pour que l’on puisse le retrouver. Mais il a si tôt disparu. Il reste introuvable en dehors de sa présence médiatique vibrionnante de l’époque : elle laisse tout de même percer un certain sentiment de solitude dans les derniers temps.
Oui, je suis sorti de cette expo ébloui et sonné, et m’interrogeant toujours sur le mystère de cet homme devenu roi de New-York en quelques années, avec son univers composite et bigarré venu de la rue et de ses origines. Cette exhubérance géniale de couleurs et de traits, complexe, brutale et raffinée, QUI cache-t-elle ?
Je suis ébloui, tellement ébloui, qu’il reste totalement mystérieux, peut-être parce que totalement libre ?
L’impression d’une ville-jungle en toile de fond où s’impriment des éclairs de pensées.
J’avais aussi un à-priori, pas tant sur le « génie » de Basquiat mais plutôt l’image d’une sangsue blanche (albinos?) collée à lui.
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La relation Warhol – Basquiat a fait couler beaucoup d’encre. J’imagine que Basquiat a tout de suite compris ce que Warhol, épicentre médiatique de l’avant-garde new-yorkaise, pouvait lui apporter. Il l’a instrumentalisé. Qu’ensuite soit advenue une relation d’amitié, ou du moins de reconnaissance, c’est bien possible. Et Warhol était fou amoureux de ce jeune et beau black.
Mais tout ceci n’a plus d’importance quand on est devant les tableaux de Basquiat.
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