Monet m’ennuie

Oui, Monet m’ennuie. Pourtant, la visite de la méga expo de Monet au Grand Palais m’a passionné. Car j’ai enfin compris pourquoi je n’accroche pas à sa peinture, tout en l’admirant.
Auto portrait de Monet - 1917Monet est le peintre le plus consensuel qui soit, celui qui peint de belles toiles qui montrent de belles choses, même le froid y est beau. Cela fait du bien à regarder. Il est le peintre de la beauté, celle de la nature, mais pas celle des hommes. Peu de portraits dans son oeuvre, la plupart du temps, ce sont juste des silhouettes tournées aux trois-quarts, avec une ombrelle.
C’est une peinture qui devient désincarnée, qui aboutit à l’évanouissement du trait, cette limite sur laquelle se cogne le regard. Le regard glisse, se perd, se fond, hypnotisé par la vibration de la lumière qui surpasse le sujet, sans le remplacer… Son sujet, c’est la nature. Il l’a tellement regardée qu’il a compris que sa réprésentation ne passait plus par une reproduction à l’identique alors même que la photographie n’était alors que balbutiante. Il l’a, alors, enchantée, illuminée, désincarnée, pour finalement la dissoudre. La représentation a remplacé le sujet lui-même. La touche de peinture est devenue le sujet. Le signe est le coeur de l’expérience artistique. Le sens s’est évaporé, le réel aussi.

Claude Monet (1840-1926) -Saule pleureur - (C) RMN (Musée d'Orsay) - (c) Michèle BellotC’est magnifique, c’est un véritable cours de peinture qui s’inscrit dans l’histoire de l’art. Mais je ne ressens pas grand chose. L’exposition note bien l’évolution de l’oeuvre de Monet vers le côté purement décoratif, quand il ne sortait plus de Giverny, quand il peignait et repeignait son jardin, les nymphéas, le pont japonais. Les seules toiles qui m’ont émues sont les toutes dernières, quand atteint par la cataracte, Monet décolle du réel et strie ses toiles de traits violemment fauves. Sont-ce ses réves personnels ?
S’en aperçoit-il ? Que cherche-t-il au-delà des apparences ? J’aime ce Monet là.

6 commentaires sur “Monet m’ennuie

  1. Certainement le plus beau billet de (mauvaise ?) humeur que l’on puisse écrire ! Si Monet n’avait eu que de tels ennemis critiques, de longues années de raillerie publique lui eurent été épargnées… Rappelons qu’il fallut près de trente ans pour que la peinture impressionniste soit admise et que Monet devienne… « le peintre le plus consensuel qui soit » !

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  2. Commentaire très intello et tout à fait bobo parisien : il convient de ne pas aimer ce que les autres aiment et d’être touché par ce qu’ils n’aiment pas, comme les dernières toiles de Monet, alors presque aveugle et voyant du rouge pour du bleu !

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  3. pas vraiment d’accord, Robert, on a le droit de se laisser porter par ce qui touche ou ce qui ne touche pas – et de ne pas catégoriser « petits riens » en lui faisant dire ce qu’il dit uniquement parce qu’on le croit bobo et parisien (même si c’est vrai ?). Quant aux rouges devenus bleus, la peinture est pleine d’exemples d’ « inversions » , et pas seulement lorsque les peintres deviennent vieux…

    Cependant, JMPH, j’ai un peu envie de vous renvoyer l’interrogation : aimeriez-vous les dernières toiles de Monet si vous ne saviez pas précisément que ce sont les dernières ? et au passage un petit lapsus orthographique amusant : « les toiles qui m’ont émues » : donc des toiles qui s’émeuvent elles-même ? 🙂
    D’accord, sur tous ces points, pour balayer devant ma porte…

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  4. @ lignesbleues : Merci d’avoir indiqué mes fautes d’orthographe, je me suis emmêlé le clavier dans l’accord du participe passé après le verbe avoir, à moins que ce ne soit un lapsus scriptae.
    Votre première remarque est très intéressante : effectivement, le fait de savoir que Monet était vieux et voyait mal, avait attisé ma curiosité pour ses deux toiles. Non par un quelconque goût du morbide, mais parce qu’il m’est souvent arrivé d’être « happé » par l’œuvre d’un peintre à partir de ses dernières toiles, et ainsi de (re) découvrir l’ensemble de son œuvre. C’est d’ailleurs l’un des intérêts des expositions consacrées à un seul peintre : aurais-je autant aimé Rothko si je n’avais pas vu ses dernières toiles grises et noires qui ont précédé son suicide ? Ceci ne signifie pas que je néglige ses autres toiles, bien au contraire, mais je les regarde autrement .
    Regarder un tableau seul est déjà pour moi une expérience « dramatique », contempler l’ensemble d’une œuvre peut être conduire à la rencontre d’un homme ou d’une femme au plan artistique (en général, leur vie privée m’indiffère).

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  5. je pencherais plutôt pour le lapsus scriptae (je ne suis pas maîtresse d’école)
    Je rapprocherais la rencontre avec la peinture de celle d’un mystère, presque au sens médiéval du terme, peut être ce que vous appelez une expérience « dramatique « . Comme une conjonction, sublime, entre celui qui a créé et celui qui contemple, et qui, à chaque fois est unique et répétée (mais non reproductible), faite de sens – le sujet, l’auteur, l’époque, de forme – la couleur, la construction,… de ressentis – de l’auteur, de celui qui regarde, savoirs et émotions. Ce n’est pas une catégorisation définitive et les mots peuvent se promener d’une case à l’autre. Peut-être une façon, pour chacun de construire son propre musée imaginaire. Une façon d' »intimiser » (et ce n’est pas bien sûr une négation de l’histoire de l’art (chronologie, courants et écoles, artistes, chefs d’oeuvre…)
    Sur la vie privée, voir Quotiriens et ses muses, mais son « papier » va bien au delà de la question de la vie privée (la vie, la mort et l’art)

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