Tragédie dans les eaux glacées de l’Alaska – Sukkwan Island – David Vann (Gallmeister)

(Avertissement : en lisant ce billet, vous découvrirez un élément de l’intrigue qui est présenté par l’éditeur comme le summum du suspense, ce qui n’est pas du tout mon avis ! Mais certains ont été choqués que je dévoile la nature du « drame de la page 113 » : je ne change rien à mon billet, mais j’ajoute juste cet avertissement préalable.)


sukkwan islandQuel sujet ! Sukkwan Island, de David Vann (Gallmeister) parle de la relation père-fils et le retour à la nature ! Un mélange d’un des plus fameux livres de ces dix dernières années, La Route de Cormac McCarthy,  et du film mythique des années 80, Délivrance de John Boorman ! Cela rendait le livre appétissant.  Quant au bandeau autour du livre, on croirait de la pub pour le dernier Clint Eastwood.

Autant s’y plonger. C’est d’autant plus facile que le style est simple, vif, rapide, cinématographique. C’est efficace, les images défilent sous les yeux, cela se lit vite.
Donc, un père, Jim, qui semble avoir tout raté, a décidé d’emmener son fils de 13 ans, Roy, pour passer une année dans une île déserte de l’Alaska. Mythe du retour à la nature sauvage qui est censé faire renaître à une vie propre et belle les gens fatigués d’une vie corrompue par la civilisation et leurs propres faiblesses ou turpitudes. Jim semble faire partie de ces gens-là, il emmène son fils dans cette aventure pour se rapprocher de lui. Dès le début, ce livre part sur des clichés en béton armé et bois de sapin.

On découvre rapidement que cette aventure est bien mal préparée. C’est de l’improvisation matérielle quasi-totale. Les catastrophes prévisibles arrivent les unes après les autres. Pourtant, peu ou prou, un semblant de vie quotidienne s’installe avec des pêches miraculeuses de saumon qui font l’ordinaire. Mais le père, de plus en plus dépressif, passe son temps à appeler par radio la femme qui vient de le quitter.  Son fils est tenté par le retour chez sa mère et sa soeur. Les relations entre les deux se tendent et se détendent. Elles restent marquées par une culpabilité boursoufflée des deux côtés et une incompréhension mutuelle de plus en plus profonde…

Photo de la couverture de Sukkwan Island (crédit photo Bill Curtsinger / National Geographic / Getty Images
Arrive le DRAME (on est prévenu dans la 4ème de couverture !). Page 113, un coup de pistolet éclate. Le fils s’est tué….

Est-ce l’effet de l’air glacial de l’Alaska ? Mais cette première partie m’a paru très convenue, aussi bien dans la description caricaturale de la relation père-fils que dans le faux suspense au détour de péripéties prévisibles.

La deuxième partie du livre m’a semblé plus intéressante, avec l’errance du père, ses égarements et ses délires, une vie entre eaux et glaciers avec le cadavre omniprésent de son fils dont il ne sait plus quoi faire. Sa solitude et sa détresse sont totales. Le personnage de Jim devient plus original, on s’éloigne enfin d’une pseudo-réalité naturaliste et de psychologie taillée au pic à glace.

Finalement, le monde, sa police et ses voyous, retrouvent Jim. En voulant s’enfuir, il meurt noyé. « … il sut alors que Roy l’avait aimé et que cela aurait dû lui suffire. Il n’avait rien compris à temps. »

David VannTout ça pour ça ? Il est bien le seul à n’avoir rien compris. Pour ma part, j’avais compris depuis longtemps que loin de ressembler à « La Route » ou à « Délivrance« , « Sukkwan Island » n’est qu’une impasse dont on peut quand même se délivrer en le refermant rapidement. 

Mais ceci n’a pas empêché ce livre de recevoir une critique dithyrambique… Quand on apprend que le livre contient une part d’autobiographie, évidemment, on est ému.  Mais est-ce un critère suffisant pour dire que le livre est bon ?

10 commentaires sur “Tragédie dans les eaux glacées de l’Alaska – Sukkwan Island – David Vann (Gallmeister)

  1. RE.Bonsoir…………..

    Qu’est-ce qui fait un bon livre?
    Sans doute,dès le départ,faut-il mettre de coté la subjectivité qui ne peut qu’aboutir à un débat sans fin où le bon livre pour les uns ne le serait pas pour les autres.
    Il me semble,qu’au commencement est une anecdote,et puis vient le verbe,l’écriture.Le bon livre,pour moi ,nait sous la plume de celui qui a compris que le tragique est intrinsèque à l’existence.Je pense qu’il est des instants où la pensée est traversée d’un éclair fulgurant qui ouvre,libère l’expression qui tel un puissant jaillissement fait émerger ce qu’il peut y avoir d’universel et d’intemporel dans un évènement quelqu’il soit !Mais celà serait interessant d’en discuter ……..et encore et encore…………..!!

    BYE! Monique

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  2. Quand on fait un commentaire on évite de divulguer le point central de l’ histoire. Contrairement à ce que dévoile le commentaire du haut de cette page, la 4ème de couverture parle uniquement de « drame violent » sans donner d’autres précisions ni même à quelle page ce la arrive ! Parfois il vaut mieux se taire !

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  3. toi je te raye de mes fav
    merci de te sentir tellement superieur et de décider que je n’ai pas à lire tel bouquin en divulgant l’affaire; et le libre arbitre?

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  4. Rhââââ…. c’est pas parce qu’on n’aime pas qu’on doit le gâcher pour les autres! Tous les autres chroniqueurs (et l’éditeur) annoncent ce retournement mais en taisent la teneur, et voilà qu’on me le révèle sans même avoir l’élémentaire politesse de planter d’abord la pancarte d’usage, et alors que je n’avais pas deviné.

    C’est la première et la dernière fois que je visite ce blog.

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  5. @ We want a shrubbery
    Vous n’avez pas lu l’avertissement préalable au début de ce billet, qui annonçait que je donnais quelques éléments de l’intrigue. Vous étiez donc parfaitement informé et libre de ne pas lire ce billet.

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  6. Je viens de terminer la lecture du fameux « sukkwan island » dont j’avais lu tant et tant d’éloges et ma déception a été grande.
    Je partage votre avis.
    J’avais aussi fait mentalement le rapprochement avec « La Route » – que j’ai adoré – mais j’ai vite senti qu’il ne lui arriverait pas à la cheville.
    Vous n’êtes donc pas le seul à ne pas avoir compris l’engouement collectif suscité par ce livre. 😉
    Enfin « pas avoir compris »… je devrais plutôt dire « pas avoir adhéré à l’engouement collectif » car on peut très bien comprendre pourquoi la plupart des gens l’ont porté aux nues.
    Si ma critique vous intéresse, c’est par ici : http://linecesurinternet.blogspot.com/2011/09/sukkwan-island-david-vann.html#more

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