La bande-annonce de District 9, film de science-fiction américain de Neill Blomkamp, ne m’avait pas du tout tenté. Je suis toujours resté assez fermé aux films de science-fiction, je trouve 2001 : L’Odysée de l’espace mortellement ennuyeux, et je comprends mal l’intérêt de La Guerre des étoiles, de Jurassic Park et autres Matrix. Il paraît que c’est chargé d’allusions philosophiques. Ah bon…
Ce sont mes enfants qui m’ont encouragé à aller voir District 9. Je ne le regrette pas. C’est passionnant !
Bien sûr, le côté science-fiction du film me semble réussi, mais je ne suis pas expert en la matière : le vaisseau extra-terrestre sur Johannesburg est menaçant à souhait, la découverte des aliens en piteux état est très impressionante, les effets spéciaux restent discrets mais très efficaces, les scènes d’affrontements sont explosives et spectaculaires comme il se doit. Tout ceci est bien ficelé, mais ce n’est pas ça qui rend District 9 si particulier.
Le deuxième degré du film est déja beaucoup plus intéressant. Ces aliens sont parqués dans District 9, une sorte de jungle de Calais puissance 9 : ils s’y multiplient en vivant dans des conditions totalement insalubres et précaires. La population locale « de souche » développe un sentiment d’insécurité croissant alors que les aliens, surnommés les « crevettes », sont victimes d’une ségrégation absolue.
En organisant le futur transfert de ces aliens dans un camp plus grand, le District 10, un fonctionnaire se contamine avec un fluide noir ; peu après, son corps commence à se muter de façon inquiétante pour devenir semblable à un alien… La fin du film est sa lutte pour essayer de récupérer sa forme humaine et sa désertion du camp des humains pour celui des aliens. C’est une sorte de métaphore, un peu lourde sans doute, de la solidarité entre les exclus, les précaires, les clandestins, les inférieurs et les militants qui cherchent à aider. Une sorte de Welcome puissance 9. Cela donne au film une portée politique assez inattendue, sans éviter l’écueil du « politiquement correct de gauche ».
Le plus intéressant du film est son parti-pris d’être filmé comme une enquête avec caméra à l’épaule, interviews d’experts et d’officiels qui expliquent, a posteriori, le pourquoi et le comment de tous les événements. Le film ne raconte pas une histoire, mais la façon dont cette histoire est narrée, reconstruite, expliquée et, en fin de compte, récupérée par le pouvoir en place : sensationnalisme, raccourcis, rumeurs, interviews de voisin et de proches plus ou moins manipulés, scènes de combats, etc …
In fine, la version livrée deviendra l’histoire officielle.
District 9 n’est plus alors un film de science-fiction, c’est une film sur la construction de l’information et sa manipulation : cela n’a plus rien d’une science-fiction mais jette un éclairage très cru sur une des réalites majeures de notre époque.
Regardez, ci dessous, le court métrage réalisé par Neill Blomkamp lui même qu’il a appelé Original District 9 : en partant de la même histoire que le film montré sur les écrans du monde entier, il a évacué toute mise en scène de science-fiction pour tourner une sorte de reportage sur les émeutes des aliens, l’action de l’armée, de la police, le témoignage de la population et de quelques aliens, les explications des officiels… Cela ne vous rappelle rien ? C’est le même traitement informatif que celui des émeutes de banlieues de 2005, par exemple…
impressionnant!
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