Plaidoyer pour Eros – Siri Hustvedt

Plaidoyer pour Eros (Editions Actes Sud)J’ai eu envie de lire son livre en l’entendant un soir sur France Inter dans l’émission de Kathleen Evin, L’Humeur vagabonde : cela parlait de frontières floues, d’identités en devenir, d’enfance, de littérature et d’amour. Je n’en avais jamais entendu parler : elle s’appelle Siri Hustvedt, elle est américaine de parents norvégiens.
Ce qu’elle disait était chaud et brillant.

J’ai donc lu son dernier livre, Plaidoyer pour Eros (Editions Actes Sud). Derrière ce titre accrocheur, il y a douze essais écrits entre 1995 et 2004, dont la tonalité générale est donnée par le premier essai, Yonder : ce mot anglais signifie  » ici et là » d’après le père de l’auteure. Mais, où peut-on se trouver, entre ici et là ? C’est tout cet espace indéfini et mobile qui intéresse Siri Hustvelt, qui donne sens à son oeuvre, à sa vie et à celle de son lecteur qui veut bien la suivre. Ces douze essais sont douze pièces d’un puzzle qui ne peut se compléter que par l’apport du lecteur. Elle insiste plusieurs fois, par exemple en page 53 :  » Tout lecteur écrit le livre qu’il lit, en suppléant ce qui ne s’y trouve pas, et cette invention créatrice devient le livre. » En évoquant son expérience de création littéraire, en analysant avec acuité l’oeuvre d’autres auteurs (Henry James, Charles Dickens, Scott Fitzgerald), elle invite le lecteur à chercher les coïncidences entre l’illusion romanesque et sa propre réalité : n’est-ce pas ça qui fait le prix de toute lecture un tant soit peu attentive ?

Siri HustvedtLa création littéraire n’est pas le seul sujet de ces essais. Cet espace « yonder » est aussi celui où se définit l’identité personelle : elle y revient très souvent s’interrogeant sur sa construction, au travers l’enfance, bien sûr, mais aussi des objets médiateurs, comme les vêtements, expressions d’une culture et aussi d’un désir d’être.
Elle approfondit ce que lui semble être l’identité sexuelle : « Masculin et féminin sont des mots qui évoquent des associations si denses, si anciennes, si publiques et en même temps si privées que tracer entre les deux une ligne nette pose des problèmes ardus » (page 120). Voilà qui renvoit aux mythes dépassés l’idée d’une « éternel » masculin ou féminin !

Downtown - NYC - octobre 2008 (photo Jmph)Autre sujet qui revient souvent : New-York ! En évoquant avec humour cette habitude des New-Yorkais de « faire comme si » quand quelque chose d’étrange survient, en parlant avec émotion mais sans illusion, les changements éphémères de comportement après le 11 septembre 2001, en brocardant l’odeur de l’argent aux alentours de la Vème Avenue, en célébrant la sauvage beauté de ses constructions, gratte-ciels ou docks, qui lui donne cet aspect si époustouflant pour une jeune fille qui est née au Minnesota … ou si dérangeant pour un esprit aussi ordonné qu’un touriste français.

Eros en vitrine à New-York - janvier 2000 - Photo JmphEt Eros ? Son plaidoyer est brillantissime et pose avec humour et profondeur le paradoxe de l’érotisme dans le couple : «  Dérivé du contact physique le plus intime, le plaisir érotique se nourrit de ce paradoxe que l’érotisme ne peut durer si l’on ne préserve en l’autre ce qu’il qu’il y a d’étrange. Chacun est bien conscient du fait que l’attirance sexuelle est bien distincte de l’affection (…).  » (page 61). Puis, en page 64 :  » Le désir naît toujours entre un sujet et un objet. Si dissolus et vagabonds que soient nos appétitis, le désir doit néanmoins se fixer sur un objet, même si cet objet est imaginaire ou narcissique « . Elle ajoute quelques pages plus loin (page 73) :  » Je ne crois pas qu’un amour durable ait quoi que ce soit de plus rationnel qu’un emballement éphémère« .
Tout est dit ? A chacun d’ajouter ce qui lui convient …

Il y a bien d’autres sujets traités (les rêves, la peur, la séparation, le coup de foudre…) dans ces 260 pages, le plus souvent écrites avec une alacrité qui donne bien du plaisir à la lecture. Seuls les essais d’analyse littéraire m’ont donné un peu plus de fil à retordre, en grande partie car je n’ai lu aucun des trois livres en question.

Conclusion « people » : Siri Hustvedt est une splendide blonde nordique d’un 1m80. Son mari depuis 20 ans est le célébrissime écrivain Paul Auster, pas mal de sa personne non plus. Ils ont une fille, Sophie, qui réunit la beauté de ses deux parents ! Waouuuh ….

Siri Hustvedt, Paul Auster et leur fille Sophie

5 commentaires sur “Plaidoyer pour Eros – Siri Hustvedt

  1. EROS!quand tu nous tiens!.. Mes deux lectures de référence en cette « matière » sont:
    -La flamme double,amour et érotisme, d’Octavio PAZ ,
    -Eros de Lou ANDREAS SALOME.
    Et,je pressens que je vais ajouter celle de Plaidoyer pour Eros de Siri Hustvedt. Les quelques extraits que tu as choisis m’amènent à quelques remarques et questionnements.
    Afin d’éviter une approche hatîve je préfère les aborder dans l’ensemble de l’ouvrage.
    Tout de même,n’y a t-il pas dans la sexualité humaine ,une ambiguité qui lui est spécifique ,intrinsèque à la nature humaine,qui se situe dans un flottement inhérent à l’érotisme et au sentiment amoureux_quand il existe_entre le physique et le psychique.
    Sait-on d’ailleurs, ce qu’il adviendra et sera ,demain et plus tard ,de l’attirance irrésistible et de l’acte qui s’accomplit? Si l’attirance charnelle,base de la sexualité humaine,pose de fait les êtres en terme d’objets ,à moins d’un déni, l’on ne peut occulter leurs personnes d’où jaillit érotisme et amour.
    Sexualité,éros, et/ou amour:relation avec l’autre ou aventure solitaire à deux,?

    C’EST BIEN CELA IL ME FAUT LIRE LE BOUQUIN!!
    Avant d’interrompre mon écrit: ELLES SONT BELLES ,OUI! et la beauté c’est subjuguant!pourtant,là aussi et heureusement,il existe une mystèrieuse chimie humaine qui rend stupéfait devant les multitudes d’attirances qui peuvent paraitre incompréhensibles,détonnantes,décallées,etc…ET J’EN PASSE!!!!!!
    J’apprécie la beauté mais j’avoue que j’aime beaucoup l’insolite des rencontres humaines!!

    BON ET BIEN J’AI FINI….pour aujourd’hui!

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  2. Bonjour,

    Je suis totalement subjugnée par la subtilité et son art de repousser toutes nos frontières. Elle dessine de nouveaux contours et brosse de nouvelles zones de liberté. Effectivement, on peut aller tellement loin dans notre intérieur. J’ai lu « What I loved », « blindfold » and a « plea for eros » d’un trait. Je vais me précipiter sur « the enchantment of Lily Dahl. » J’ai découvert cet auteur (je ne me fais pas au féminin auteure, excusez-moi) à Glasgow l’été dernier.

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  3. @ Lorot : après avoir lu « Plaidoyer pour Eros », j’ai lu un roman de Siri Hustvedt, « Elégie pour un américain ». Il m’avait un peu déçu, peut-être parce que j’y ai trop reconnu le procédé de bâtir un roman à partir des idées que Siri Hustvedt avait déjà si brillament exposées dans « Plaidoyer pour Eros ».

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