Ce matin, 8h30, Gare du Nord, quai du RER B, l’heure et l’endroit de Paris où le monde entier se retrouve. Une rame archi-bondée. Je pousse les gens pour pouvoir entrer. Les portes se referment aussitôt.
Contrairement à l’habitude, une ambiance particulière régne dans cette rame. Ni celle encore mal réveillée des travailleurs qui servent de chair à boulot. Ni celle plus pépillante des voyageurs de 10 heures du matin, où tous les accros du téléphone portable se sont donnés rendez-vous pour faire part à leurs voisins inconnus de leurs petits problèmes quotidiens.
Ce matin, une voix de mezzo-contralto d’une belle femme noire domine le brouhaha d’autres voix féminines plus aigües. Sur le coup, je ne comprend pas s’il s’agit d’une dispute. Les voix plus aigües cherchent-elles à faire taire la voix noire ? Celle ci est la plus forte, sorte de Jessye Norman dont les paroles n’ont même pas besoin de mélodie pour se faire entendre. Une voix de prêcheuse. Progressivement, je comprends son discours : « Allez la France » dit-elle. Et elle clame ce qu’elle doit à notre pays qui l’a accueillie. Référence à la France Black, Blanc, Beur, de la Coupe du Monde de 98, référence à sa fille qui est ingénieur, référence à la place qu’elle peut trouver ici, même dans cette rame bondée du RER. Elle invite les chrétiens, les juifs et les musulmans à prier pour cette France là (.. et les « incroyants », que font-ils ?). Elle se met à chanter (je ne me rappelle plus ce que c’est), ce n’est pas la Marseillaise.
Les voyageurs, pendant les 4 minutes qui séparent la Gare du Nord au Chatelet, se regardent d’abord incrédules, ensuite inquiets, puis amusés, voire complices. Juste devant moi, un jeune homme noir reste de marbre, ne voulant visiblement pas laisser paraître ses sentiments, quels qu’ils soient.
La belle africaine sort à Châtelet, la rame continue vers St Michel…
Je ne sais pas le début de cette histoire, je ne sais pas pourquoi, dans cette rame, cette voix a résoné, ample, gouleyante, magnifique…
Le RER est parfois le lieu de spectacles extraordinaires, c’est vrai.
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Un jour, il sera interdit de chanter ou de parler dans le RER et le métro, car la rame est là pour transporter, pas pour faire plaisir (pourtant, c’est parfois la même chose).
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Un de ces « petits riens », mais qui sur le moment puis dans le souvenir prennent rapidement l’apparence de quelque chose d’assez superbe, je crois.
Je découvre votre chez-vous, à bientôt
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