Je ne connaissais pas son existence il y a encore 18 mois. Quand j’ai découvert ses livres, j’ai été subjugué par ses histoires où les valeurs utilitaristes qui sont les nôtres sont tournées en dérision. C’était en pleine campagne électorale des Présidentielles, le contraste était tellement saisissant entre la fièvre qui agitait le pays et cette éloge de la paresse et du sommeil, ce refus total de croire qu’il pouvait exister une solution dans le mouvement, l’agitation, les tribulations… Il ne renvoyait pas dos à dos les puissants et les miséreux, les mendiants et les orgueilleux (titre d’un de ses meilleurs livres). Il voyait, non dans l’affrontement mais dans l’effacement, ou plutôt l’évitement, la possibilité de trouver sa place. Avec une bonne dose d’humour et d’amour de la vie.
On est loin d’une ébauche de philosophie sociale, mais plutôt dans une morale du plaisir. Et ceci dans un style élégamment lumineux.
Avant hier, dimanche 22 juin, Albert Cossery a « quitté son hôtel », comme la joliment et justement titré Pierre Assouline dans son blog La République des livres. Mais qui en a parlé dans les médias de masse ?
Vers la fin du journal de 20 heures de TF1, ouvert par hasard, hier soir, j’ai entendu PPDA parler de cet écrivain et montrer un reportage (environ 20 secondes) où on le voyait même, assis à table d’un café, en train d’écrire sur un cahier avec un stylo.
PPDA peut, maintenant, se permettre de ces audaces !
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et c’est maintenant qu’on apprend qu’il habitait dans un petit hotel de la rue de Seine et qu’il faisait chaque jour sa promenade jusqu’au Flore… quand je pense qu’on a pu le croiser sans savoir qui c’était…. bel article de Moustaki qui était son copain, hier dans Le Monde. Paresseux de tous pays, unissez vous! (j’ai beaucoup aimé son « mendiants et orgueilleux »).
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Je l’ai découvert il y a plus d’un an à l’occasion de la préparation d’une de ses pièces, que la troupe n’a jamais jouée finalement (trop fainéants ?) : c’était « les fainéants dans la vallée fertile ». Je découvrais enfin un écrivain salutaire qui refusait – et pratiquait ce refus – cette société de consommation (« je n’ai pas de chéquier, ni de carte bleue, tout ce qui rend un imbécile heureux » ai-je lu dans un article sur lui paru dans une revue de philosophie), il pouvait se balader les mains dans les poches et boire un café dans Paris, librement. N’est-ce-pas cela le luxe suprême ? Plutôt que de s’épuiser à courir après du rien. Je me posais la question suivante : entre travail et paresse, n’y-a-t-il pas autre chose ? Depuis des années, je réussi à ne plus « travailler » (aller dans un endroit qui me gonfle avec des gens qui me gavent) et parviens à vivre d’activités que j’ai choisies et qui me laissent beaucoup de temps libre. Viva Albert !
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Loïc, vous avez bien raison : le luxe suprême est de pouvoir ne pas s’épuiser à
courir après du rien. Les romans d’Albert Cossery en sont la très belle illustration et suggèrent une diversion par rapport à ce que veut nous imposer notre société actuelle. Et pourtant combien sont-ils ceux qui peuvent se permettre ce luxe ? Cela suppose une belle liberté d’esprit, la faculté de prendre du recul, de considérer le mouvement du monde avec lucidité, détachement et dérision. Ou bien de s’en détacher au point de l’ignorer : est-ce possible ? Car, en face de ceux qui sont esclaves de la société de consommation, se trouvent aussi les militants, ceux qui sont tellement concernés par le dysfonctionnement de ce monde qu’ils ne peuvent s’en détacher et veulent le transformer.
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