De nombreaux pays arabes et musulmans ont décidé de boycotter le salon du livre de Paris dont la littérature israélienne est l’invitée d »honneur. Parmi eux, les pays du Maghreb. Pourtant juifs et musulmans y ont longtemps vécu ensemble, dans une relative harmonie. Mais ce passé est maintenant totalement occulté dans les mémoires (sauf dans le beau recueil de textes rassemblés par Leïla Sebbar, C’était leur France) et, bien sûr dans les medias. Même le quotidien El Watan, qui est pourtant l’un des plus quotidiens les plus critiques du pouvoir actuel (et qui le paie cher en ce moment), apporte dans un texte très alambiqué son soutien à ce boycott. Décevant, très décevant…
Cela me rappelle un souvenir personnel récent. C’était le 31 décembre dernier à Timimoun, dans le Sahara. Dans un café, en attendant minuit, je discutais avec un ami : il est ingénieur, diplôme obtenu à la force du poignet et de son intelligence car sa famille n’est pas riche. Il est cultivé, ouvert, sans illusion sur le régime algérien. Je ne me rappelle plus pourquoi nous sommes arrivés à parler des Juifs. Il me sort, tout de go : « Les Juifs aiment tuer ! ». Je crois avoir mal entendu et je le fais répéter. Effaré, je lui réponds que c’est ce genre d’affirmation qui a conduit un fou furieux allemand à exterminer 6 millions de juifs et provoquer une guerre mondiale tuant quelques 40 millions de personnes. Le ton monte entre nous. Il m’explique que les juifs aiment tuer, car ils tuent des enfants, etc …
Je réalise qu’il ne connait des Juifs que les images déversées sans retenue par les medias algériens et arabes en général. L’absence complète du moindre débat et de la moindre image contradictoire, laisse libre cours aux fantasmes les plus dangereux et aux amalgames les plus grossiers. J’essaie de lui expliquer la différence entre les Juifs et les Israéliens, entre les Israéliens et les sionistes. Je lui dis que l’opinion israélienne est majoritairement pour la fin de la guerre, si leur sécurité et la perennité de leur pays est garantie. Je lui accorde volontiers que l’attitude des gouvernements israéliens est très ambigüe, que Tsahal agit le plus souvent de façon odieuse. Mais qu’il sache aussi que les attentats kamikazes des palestiniens tuent aussi des innocents… Et que le refus du dialogue donne le champ libre aux extrêmistes de tous bords.
Il a fini par reconnaitre du bout des lèvres qu’il n’avait peut-être pas d’informations suffisantes et a modifié quelque peu son affirmation avec « Il y a DES jufs qui aiment tuer »… J’ai rétorqué qu’il y a des gens qui aiment tuer partout, que cela n’avait rien à voir avec leur religion. J’ai évité de lui parler de Thanatos, cette pulsion de mort qui habite chaque être humain, d’après Freud. Il m’aurait dit que Freud était juif…
Je rapporte cette anecdote et la mets en perspective avec la réaction d’El Watan pour montrer combien l’opinion arabe et musulmane est complètement manipulée, même ceux qui essaient de voir un peu au delà de l’horizon bouché qui leur est concédé. Tout ce qui pourrait donner l’idée qu’une paix est possible entre Israéliens et Palestiniens est gommé.
Les écrivains, comme de nombreux artistes, sont pourtant persuadés di contraire. Ou du moins acceptent que la question soit posée. Je me rappelle un film israélien The Bubble qui mettait en scène, sur fond d’une histoire d’amour homosexuelle entre un israélien et un palestinien, la complexité de la situation, la diversité des opinions, des attitudes, des engagements. Mais le film finit mal…
Le livre de Yasmina Khadra, l’Attentat, aborde le même sujet au travers de la vie d’un jeune couple…
Boualem Samsal, un des meilleurs écrivains algériens actuels et très contesté dans son propre pays, a décidé de boycotter ce boycott. En rappelant que « En réalité, les juifs et les arabes sont des cousins… ».
TO boycott or not to boycott
that is the question
http://michaelpalatan.blog.lemonde.fr
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