L’Obamania a gagné la France. Personnellement, cela fait plusieurs mois que je pense qu’il pourrait être un meilleur Président de Etats-Unis qu’Hillary Clinton et, bien sûr, que n’importe quel candidat républicain.
Mais les espoirs mis dans un candidat débouchent inévitablement sur des désillusions. Ceux qui ont cru que Sarkozy allait « redonner confiance à la France » et « être le président du pouvoir d’achat » en savent quelque chose !
Le fameux slogan d’Obama « Yes, We Can« , est très proche du slogan de campagne de Sarkozy « Ensemble, tout devient possible » : c’est un appel au volontarisme, susceptible de changer le cours des choses. On ne peut qu’applaudir. Mais s’inquiéter aussi du poids de principe de réalité sur lequel ce volontarisme parfois, souvent, se dilue ou s’effondre.
En France, qui a pu changer le cours des choses depuis 50 ans ? De Gaulle, bien sûr, au prix d’un virage à 180° par rapport à ses déclarations sur l’avenir de l’Algérie au moment de son arrivée au pouvoir en mai 1958. Ensuite ni Pompidou qui croyait benoîtement à une croissance permanente de la France, ni Giscard dont le seul mérite a été de mieux sentir l’évolution de la société française que ses prédécesseurs mais qui n’a pas pu faire face aux deux chocs pétroliers.
Mitterand, dans l’illusion lyrique de « Changer la vie », a failli conduire la France à la faillite. Le tournant vers la rigueur de 1983 a sonné la fin de la récré. Restent tout de même l’abolition de la peine de mort votée malgré la réticence de l’opinion publique et un volontarisme européen qui a permis à l’Allemagne de rester arrimée à la construction européenne après la chute du mur de Berlin. Pas besoin de s’appesantir sur les douze années chiraquiennes dont le seul bilan est la cohabitation pendant les cinq années jospiniennes.
Aux Etats-Unis, quels ont été les Présidents qui ont forcé le cours de choses ? Kennedy, mais il l’a payé cher. Ensuite, ce ne fut que l’enlisement dans la guerre du Vietnam jusqu’au début des années 70 marquée par la démission dans la honte de Nixon. L’intermède de Carter a montré que la meilleure des bonnes volontés pouvait déboucher sur une quasi impuissance tant au plen économique qu’internationale. Ensuite… Reagan : c’est sous sa présidence que le néolibéralisme a pu se développer, voire se déchaîner. Son volontarisme a été couronné de succès, quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur les conséquences de cette politique.
Notons que le volontarisme pour favoriser les plus riches a davantage de chance de réussir que celui pour favoriser une plus grande égalité. Bush senior a suivi le mouvement. Clinton, au début de son mandat, a voulu amender les excès du néolibéralisme avec la réforme du système de santé américain, véritable serpent de mer de la politique américaine : c’est Hillary qui s’y est collée avec l’échec que tout le monde connait. Ensuite il a utilisé les recettes de ses adversaires qui ont semblé moins douloureuses car accompagnées par une conjoncture mondiale plutot positive. Quand à Bush junior, volontarisme ou pas, son bilan est tellement négatif…
Bien sûr, ce qui précède est dessiné à traits grossiers et n’a comme objectif d’esquisser les avatars du volontarisme dans nos imparfaites démocraties occidentales.
En quoi Barrack Obama pourrait-il changer le cours de choses ?
S’il devient Président, Barack Obama sera le symbole d’une nouvelle Amérique totalement inédite. Reagan avait dit « America is back! », Obama poura reprendre le même slogan en lui donnant un sens radicalement différent.
Mais que fera-t-il sur les sujets concrets pour lesquels les symboles ont peu de poids ?
En politique internationale, comment sortira-t-il des guêpiers irakien et afghan, comment contribuera-t-il à la paix israélo-palestienne, comment gérera-t-il la menace terroriste, comment tentera-t-il de trouver un nouvel équilibre géopolitique avec les Russes et les Chinois ?
Au plan économique et social, un virage à gauche est certain, d’autant que les vertus du néolibéralisme sont de plus en plus contestées même aux Etats-Unis. Mais comment faire face aux défis lancés par les « puissances émergentes » (les fameuses BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine) dont le développement n’a pas fini de déstabiliser les puissances occidentales, notamment leurs classes moyennes ?
Comment convaincra-t-il les Américains de changer leur mode de vie, l’American way of life dont ils sont si fiers, afin de minimiser les risques climatiques et écologiques majeurs qui menacent la planète ?
La lecture de son programme, si tant est qu’il en ait un, n’a pas grande utilité pour avoir une idée ce qu’il fera. Est-ce possible en regardant le parcours insolite de cet homme sans bagages comme le décrit Corine Lesne dans un excellent article écrit en janvier 2007 et reparu ces derniers temps dans le Monde.fr. ?