C’est par hasard que le premier livre de Julien Gracq que je lis est En lisant en écrivant. Aucun de ses romans n’était encore disponible à la bibliothèque du 19ème arrondissement de Paris où je fais le plein de bouquins régulièrement.
Ce livre d’à peine 300 pages rassemble de courtes notes sur la littérature et l’art en général puisque la musique est souvent mentionnée. Le cinéma y est également abordé. La peinture, et les arts plastiques en général, beaucoup moins.
Bien sûr, je ne partage pas tous les jugements de Gracq. Il est très « 19ème siècle », que ce soit pour la littérature – avec Stendhal qui pourtant est le moins romantique des grands écrivains de ce siècle – et la musique – avec Wagner, vu comme l’apothéose de la musique. Notamment, je n’ai guère apprécié ces jugements sur Mozart. Mais chacun a le droit de ne pas être mozartien.
Ses écrits sur le cinéma ne sont pas inoubliables : il aborde de 7ème art comme un littérateur, en reprenant le thème connu du cinéma qui anesthésie l’imagination du spectateur alors le roman stimule celle du lecteur. Peut être trouverai-je dans d’autres de ses écrits des pensées plus nourries sur les arts plastiques.
Autre point qui m’a frappé, c’est l’absence quasi complète de références à la littérature non européenne.
Au delà de ces réserves que je formule avec une grande naïveté, j’ai lu ces 300 pages avec une curiosité et une admiration toujours renouvelées. Le premier choc, c’est le style de Gracq. J’ai l’habitude de lire assez vite. Là, je me reprenais à deux, voire trois fois, pour mieux en goûter tout le suc, tout le relief, toutes les nuances, pour mieux apprécier le choix des métaphores, la construction de la phrase. Et pouvoir stabiliser, cristalliser et, si possible, mémoriser les échos de ces mots dans mon esprit.
Ce n’est pas qu’une leçon de français. C’est aussi une leçon de goût, de subtilité, de transparence. Comment puis-je encore oser écrire dans ce modeste blog…? Il me reste à espérer que la lecture des oeuvres de Gracq, au lieu de m’intimider, m’aidera à élargir ma palette de couleurs pour m’exprimer par des mots écrits.
La lecture de ce livre m’a donné l’impression d’entrer dans une grande cathédrale solennelle et mystérieuse, encore dans l’obscurité. Avec le temps, mes yeux et mon esprit sauront-ils s’accomoder pour mieux distinguer d’abord les détails, puis progressivement l’ensemble d’une construction, celle de l’oeuvre de Julien Gracq que je commence seulement à découvrir alors qu’il vient de disparaître ? J’espère en reconnaitre les merveilles et les écueils, pour accéder à de nouveaux territoires imaginaires dans lesquelles je pourrai me promener, réfléchir et peut-être rencontrer des êtres de lettres et de sang qui me parleront…
Le livre n’étant pas un roman mais une réflexion sur la lecture et l’écriture, il donne la possibilité d’entrer sans effraction à l’intérieur de la machine à créer d’un écrivain reconnu comme l’un des plus grands de son siècle. Car ce livre, finalement, donne peut-être les clés de sa propre oeuvre. Finalement, c’est comme si j’étais entré dans cette cathédrale par la sacristie.
Je finirai cette courte note terriblement maladroite par cette citation qui devrait inspirer tous les pédagogues de l’art (page 279).
Il existe dans l’Université, depuis longtemps, un département des littératures comparées. Il y manque un département des relations entre les arts, un département des Neuf Muses, dont l’objet serait, pour chaque époque, d’étudier non seulement les inlfuences réciproques de la littérature, de la musique, de la sculpture, de la peinture, de l’architecture et, aujourd’hui, du cinéma, mais encore la hiérarchie secrète qui présidait, dans l’esprit des artistes et du public, à ces influences respectives.
ce que je vais dire est honteux, je me voile déjà la face:
je trouve les « grands littérateurs » comme Gracq et Yourcenar
(que je mets dans le même paquet)……………………………..
mortellement ennuyeux!
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Pas de honte… : de même que chacun a le droit de ne pas être mozartien, chacun peut ne pas aimer celles et ceux qui sont au Panthéon de la littérature.
A propos de Yourcenar, je me régale en ce moment d’un recueil appelé « Nouvelles orientales »…
En parallèle, j’ai commencé « La possibilité d’une île » de Houellebecq. Dire que je me régale ne serait pas le terme exact. Mais je suis tout de même scotché !
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c’est que… il faut faire attention à ce qu’on dit, maintenant qu’il y a le petit bouton « Alerte » sur le côté…
des fois que les amis de Julien Gracq sautent sur ce bouton pour me dénoncer… 🙂
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Oui, Monsieur Alain L., votre opinion n’est pas admise dans les cercles littéraires autorisés, je vais donc vous pulvériser à distance grâce à ce bouton intergalactique.
Votre pénitence : lire les Mémoires d’Hadrien, de Marguerite Yourcenar et les traduire ensuite en latin. Allez en paix.
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Alain L. : un béotien type
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