Les présidents d’université s’alarment des tentatives de noyautage du mouvement étudiant par des trotskistes. Il y a de quoi. Faudra-il un jour descendre dans la rue pour défendre les étudiants qui veulent étudier, les travailleurs qui veulent travailler, etc… Curieux et désagréable relent du discours de la droite réactionnaire de mai 68. Et pourtant …
Je n’ai pas voté pour Sarkozy et je m’oppose à la majorité de son action : politique d’immigration aveugle et honteuse, politique fiscale inefficace et injuste, politique économique incohérente, politique étrangère erratique, etc. Tout ceci s’appuie sur une communication de l’urgence et de la compassion à tout-va et sur des valeurs repêchées dans les caves d’un passé pas toujours glorieux.
Mais le pire me semble être sa gestion du temps (tout faire à toute vitesse) étouffante et inefficace car focalisée sur le résultat à court terme. En effet, les gouvernements nationaux n’ont plus guère de moyens pour agir sur l’évolution à court terme de l’économie, comme le montre la vanité des imprécations contre l’Euro fort et l’augmentation du prix du pétrole et des produits agricoles. Le seul réel pouvoir d’un gouvernement est de faire évoluer des structures du pays afin de lui donner un cadre économique et social favorisant la prospérité générale, compte tenu du contexte mondial et européen. Et d’agir, mais pas seul, pour faire évoluer ce contexte.
Les résultats réels de l’action gouvernementale ne peuvent être mesurés de façon valable qu’à MOYEN TERME. Or la politique Sarkozy axée sur les résultats à court terme ne donnent guère que des effets d’annonce et entretiennent la méfiance.
D’où la déception qui commence à sourdre partout : d’abord dans les rangs des députés UMP ayant cru à un « Grand Soir de la Droite » qui allait effacer l’héritage de la période Mitterrand / Jospin et l’attentisme Chirac ; d’autres députés UMP tremblent pour leur siège car les intérêts de leur clientèle électorale se trouvent menacés par telle ou telle réforme depuis longtemps annoncée et comme toujours mal négociée (mal français …?).
Quant à l’opinion, elle a cru pendant la campagne aux moult promesses contradictoires et impossibles à satisfaire du candidat Sarkozy, elle a ressenti, après la victoire de Sarkozy, le frisson délicieux de l’attente d’une nouvelle ère proclamée. Maintenant, elle est dans l’expectative en râlant devant l’augmentation des produits pétroliers et du panier de la ménagère. Mais, face à cette augmentation, le volontarisme sarkozien est aussi efficace d’une vrille à bois pour percer un mur en béton.
C’est dans ce contexte, somme toute pas très surprenant, que s’engage le bras de fer social. Il pose – ou plutôt repose – le problème des relations sociales dans notre pays. Pas la peine de décrire une millième fois l’incapacité française d’un dialogue social sans éviter l’affrontement.
Juste deux remarques, qui sont deux exceptions françaises : le système de représentativité syndicale date de l’immédiat après guerre, fondée sur l’activité résistante contre l’occupant allemand. Ce critère, infiniment louable en son temps, n’a plus grand sens plus de 60 ans plus tard. Ce n’est pas la moindre des raisons du manque de puissance syndicale dans notre pays. Mais s’y attaquer est s’attaquer à une des grandes « vaches sacrées » françaises.
Deuxième remarque : la force des mouvements trotskystes. A la dernière présidentielle, ils représentaient près de 10% des suffrages exprimés. Ce score important montre le désarroi d’une forte minorité de l’électorat français qui privilégie le vote protestataire d’extrême gauche comme d’extrême droite. D’abord incarné par Arlette Laguiller, le flambeau du trotskisme est repris avec brio par Olivier Besancenot dont le minois avenant fait passer agréablement sur les médias la vulgate habituelle du trotskisme de base.
On voit maintenant ces mouvements trotskystes à la manœuvre dans les universités afin de les bloquer au maximum, prétendument contre la Loi Pécresse. Il s’agit, en fait, d’établir une jonction avec le mouvement syndical contre les régimes spéciaux (grève reconductible à partir du 14 novembre) et celui, toujours populaire, de la défense du service public (grande journée d’action du 20 novembre). Une fois cette jonction faite entre étudiants et travailleurs, que faire ?
FAIRE PLIER LE GOUVERNEMENT. C’est tout ! Et après ? On recommence ?
Dans tous les fruits, il y a un ver. Les tentatives actuelles de noyautage trotskiste dans les universités ressemblent à un ver qui veut faire tomber le fruit sarkozyste. Pour quoi faire ?
J’espère ne pas avoir à descendre dans la rue pour soutenir le fruit sarkozyste, dont le goût me semble pourtant assez nauséeux. Mais il ne faudrait pas laisser pourrir l’arbre entier de notre communauté nationale. Sinon, nous risquons de léguer à nos enfants et petits enfants une situation encore plus catastrophique.
Dommage pour eux : dans un pays, contrairement à ce qui se passe dans les familles, on ne peut pas refuser un héritage.
oui, il y a du noyautage trotskyste, c’est vrai et je n’avais pas encore fait cette analyse consistant à dire que tout est planifié pour qu’on ait une rencontre entre étudiants et travailleurs comme en 68. C’est probablement ce que les leaders trotskystes ont dans la tête, auqul cas il faudrait vraiment qu’ils revoient leurs schémas et s’adaptent car la masse des étudiants sont cette fois vraiment très loin d’adhérer à ce discours. Je ne fais qu’entendre autour de moi des « on ne veut pas rater notre année » et si on évoque un lien possible entre les régimes spéciaux de retraite et la loi d’autonomie des universités, la plupart des étudiants n’en croient pas leurs oreilles (voir mon billet aujourd’hui).
Ceci dit je ne pense que ce qui est dangereux chez Sarko se limite à sa « gestion du temps ». Il incarne une vraie droite dure avec tout ce que cela signifie de volonté d’écraser les mouvements populaires, une volonté que l’on n’aura jamais vu autant à l’oeuvre dans notre histoire post-guerre. Il faut que les forces d’opposition soient malines, c’est tout, et surtout ne pas rechercher l’affrontement frontal. Bernard Thibaud a raison aujourd’hui de proposer lui-même des pistes de sortie de la grève, pour que le gouvernement soit bien obligé de les emprunter (faute de quoi l’opinion ne comprendrait pas).
J’aimeJ’aime