Dans la très intéressante série d’émissions « La Démocratie pour tous ? », Arte a diffusé hier soir (mardi 9 octobre) un documentaire de 55 minutes qui s’appelle Votez pour moi. Cela se passe dans une classe d’une école primaire de Wuhan, en Chine. Trois éléves sont désignés par l’enseignante pour être candidats au poste de délégué de l’ensemble de la classe. Trois étapes doivent être franchies pour cette élection : une audition pour tester le talent musical de chaque candidat, un face-à-face entre candidats pour lister tous les défauts de l’autre, et enfin, une déclaration d’intention pour recueillir les derniers suffrages hésitants.
Au début, j’ai pris cette émission comme une caricature grossière de l’apprentisage de la démocratie dans un pays où elle n’a quasiment jamais existé. Ici, la démocratie se résume à l’élection d’un représentant, sans même savoir ce que devra faire l’élu. Le première image en dit long : à la question « C’est quoi la démocratie ? », une fillette répond « Je sais pas ».
Se dresse alors un portrait glaçant du processus électoral ! L’audition musicale teste la capacité des candidats d’être à l’aise pour distraire et captiver un public. La confrontation teste la capacité de démolition des autres candidats. La déclaration finale est une sorte de programme plein de promesses ronfflantes de changement. Entre chaque étape sont montrés les renversements d’alliances, les promesses de nominations, les cadeaux offert aux électeurs par le plus riche candidat, le conditionnement des supporters avant les « débats » publics. Les parents font office de conseillers en communication pour aider leur enfant à trouver les mots justes, les gestes qui touchent, les réparties qui flinguent… L’élection arrive, un candidat est élu, les autres pleurent. Le film s’achève sur des images du délégué qui dirige la classe faisant des mouvements de gymnastique en cadence.
Caricature ? Et si ce documentaire n’était qu’un miroir à peine déformant de nos démocraties occidentales où le vote reste souvent le seul geste citoyen ? Ces trois étapes, nous les avons vécues en France pour les dernières présidentielles : avant la campagne, les candidat(e)s ont lancé des opérations de séduction avec la complaisance d’une grande partie de médias pour montrer leur talent, leur coeur, leur proximité avec l’électeur .. Quand la campagne bat son plein, on passe du registre du dénigrement systèmatique des concurrents à celui des déclarations d’intention faite de slogans creux et des catalogues de promesses souvent contradictoires. En coulisse, les tractations se nouent pour débaucher certaines personnalités du camp adverse, pendant que les militants rendent leur culte à leur idole candidate dans des meetings qui ressemblent à des célébrations d’adoration.
Finalement, les Chinois sont plutôt bons observateurs de la face la plus visible de la démocratie, quand elle ne ressemble qu’à la prise de pouvoir.
Avant même d’avoir atteint la fin de votre note, j’en étais arrivée à la même conclusion que vous. La démocratie a pris un drôle de tour.
la dernière élection et ce qui suit maintenant consiste en une grande leçon de savoir faire que nous devrions retenir pour survivre : séduire d’abord, tuer ensuite celui qui résiste. Il n’est plus question de convaincre ou d’argumenter, plus question de concéder quoi que ce soit. Il faut asséner des vérités premières : plus elles sont simples plus elles sont difficiles à combattre; plus elles font appel au bon sens et à la bonne conscience plus elles sont impossibles à extirper. Il faut surprendre l’adversaire (celui qui est en face est toujours un adversaire) en lui posant une question légèrement à côté du sujet et l’interrompre très vite avant qu’il n’ait le temps de développer une défense. L’insinuation est parfaite, bien mieux que la calomnie…
Cette leçon de nouvelle démocratie a été bien retenue dans les media, vous pouvez la voir maintenant chaque jour sur les chaînes de télévision, l’entendre sur les chaînes de radio, où tout entretien s’identifie à la tauromachie.
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